Opérations antimigrants : prison ferme requise contre les cadres de Génération identitaire



Une centaine de militants d’extrême droite avaient organisé des patrouilles à la frontière franco-italienne, en 2018, pour « stopper » les migrants.

Ils avaient été une centaine à s’installer sur la neige des cols alpins, à proximité de la frontière franco-italienne, au printemps 2018. Pour mener l’opération « Defend Europe » ou « Stop Migrants Alpes » dans cette zone de passage, ils avaient mobilisé deux hélicoptères, un avion, une grande barrière de plastique orange, des pick-up, et une ribambelle de doudounes bleu électrique.

Pendant deux mois, les militants du mouvement d’extrême droite Génération identitaire ont expliqué, à grand renfort de communication sur les réseaux sociaux, « tenir » ou encore « surveiller la frontière », « quadriller le secteur », « patrouiller », « repérer les migrants », « stopper » leur arrivée et même mener un travail de « renseignement » sur les réseaux de passeurs… « Si l’Etat ne les démantèle pas, nous le ferons nous-mêmes », promettaient-ils.

Se mettant en scène dans des maraudes nocturnes filmées, ils enjoignaient les migrants qu’ils croisaient à rebrousser chemin ou les conduisaient auprès de fonctionnaires de police ou de gendarmerie.

Jeudi 11 juillet, ils n’étaient pas aussi nombreux sur les bancs de la salle d’audience du tribunal correctionnel de Gap (Hautes-Alpes). Des trois cadres de Génération identitaire renvoyés devant la juridiction pour avoir conçu et organisé une opération de nature à « créer une confusion avec l’exercice d’une fonction publique », un seul, le président de l’association, avait fait le déplacement. Et il a choisi de garder le silence. Avant de se taire, Clément Gandelin, 24 ans, conducteur de travaux intérimaire et déjà condamné pour violence sur personne dépositaire de l’autorité publique en 2015, a voulu dénoncer une procédure « purement politique » car, a-t-il assuré, « nous n’avons jamais dit que nous prenions la place de la police ».

Six mois de prison ferme requis

Le procureur de Gap, Raphaël Balland, s’est évertué à démontrer l’inverse en requérant six mois de prison ferme pour chacun des prévenus – tous présentent un casier judiciaire – et une amende de 75 000 euros à l’encontre du mouvement. « L’objectif était bien de dire : “Regardez, nous, on peut faire le boulot de l’Etat, surveiller les frontières, faire des enquêtes, appréhender les migrants lors de maraudes…” », a argumenté le procureur.

L’enquête a notamment permis de détailler le déroulé de l’une de ces maraudes au cours de laquelle plusieurs migrants ont été, d’après leurs déclarations, poursuivis, interrogés, filmés et photographiés, encerclés et éclairés jusqu’à l’arrivée des gendarmes.

« Mais de quel droit ? », a répété M. Balland, insistant sur le « trouble » apporté par Génération identitaire dans un département devenu le « symbole » des questions migratoires et où « les relations se sont crispées, radicalisées ». Maniant un délit peu connu, il a invité le tribunal à « faire jurisprudence » en condamnant les prévenus.

A l’époque des faits, le parquet avait eu des difficultés à appréhender les contours pénaux de l’opération de Génération identitaire. Dans un contexte d’émoi politique et médiatique, le procureur avait d’abord ouvert et classé presque aussitôt une enquête pour violences à l’encontre des migrants. Quelques jours plus tard, il avait rouvert une enquête pour immixtion dans une fonction publique et activité tendant à créer une confusion avec une fonction publique, non pas tant auprès des migrants que « dans l’esprit du public », a défendu jeudi M. Balland.

Trois migrants morts dans les cols alpins

L’avocat de Génération identitaire et de ses militants, Pierre-Vincent Lambert, a plaidé la relaxe, arguant qu’il n’y avait eu ni « manœuvre », ni « tromperie ». Il a voulu voir dans le raisonnement du ministère public la volonté de se « justifier » et « la peur de se voir reprocher de ne rien avoir fait contre Génération identitaire alors que par ailleurs [il a] poursuivi et requis contre les autres ».

Les autres, ce sont les militants qui viennent en aide aux migrants dans les cols alpins, où trois d’entre eux sont décédés depuis 2017. Il y a quelques mois, devant ce même tribunal, face au même procureur et à la même présidente, sept militants « solidaires » avaient été jugés et condamnés pour avoir facilité l’entrée irrégulière de plusieurs migrants sur le territoire en organisant une manifestation à la frontière et en passant outre une ligne de gendarmes. La manifestation avait été organisée en réaction à l’opération « Defend Europe ».

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