Theresa May démissionnera le 7 juin prochain



On a arrêté de compter les épisodes du Brexit il y a bien longtemps. Dans celui-ci, la Première ministre Theresa May semble bien sur le départ. Empêtrée dans une énième tentative désespérée de faire enfin adopter son accord de Brexit par la Chambre des communes, c’est le résultat des européennes, dimanche, qui pourrait sonner le glas. Les sondages sont au-delà du catastrophique pour le Parti conservateur au Royaume-Uni. Pour 20 Minutes, la professeure à l’université de Bourgogne et déléguée à la Maison française d’Oxford, Agnès Alexandre-Collier, tente d’y voir plus clair, mais « sans boule de cristal ».

Theresa May est sur la sellette depuis des mois. Qu’est ce qui fait que, là, la rébellion semble prendre le dessus au sein des conservateurs ?

Ça fait plusieurs semaines ou plusieurs mois qu’une rébellion sourde gronde. Mais trois événements font que l’atmosphère est de plus en plus tendue. Le premier, ce sont les élections européennes qui polarisent encore plus le débat qu’il ne l’était déjà. Les conservateurs ont peur de perdre un grand nombre de sièges, ce qui risque de leur arriver. Comme aux travaillistes d’ailleurs. La deuxième chose, c’est le phénomène d’usure lié au fait que c’est quand même la quatrième fois que Theresa May présente son accord de sortie aux Communes. Il y a peut-être un point de saturation ou d’exaspération pour des « hard brexiters » du Parti conservateur. Et la troisième chose c’est que des candidatures se sont déclarées. Comme celle de Boris Johnson, qui est vu comme le favori des militants dans les sondages, mais il y en a d’autres. Ça fait que la course au leadership a, dans les faits, commencé.

Le problème c’est que d’un point de vue institutionnel elle peut rester au pouvoir jusqu’en décembre. Donc elle a en quelque sorte le règlement en sa faveur, c’est délicat car ce sont des règles non écrites. Elle pourrait le contourner et se dire qu’elle va rester jusqu’au bout. Mais peut-être attend-t-elle les résultats des élections européennes pour annoncer sa démission.

Qu’est-ce que peut faire de plus un nouveau leader conservateur ? Retourner à Bruxelles ?

Je n’ai pas de boule de cristal. La difficulté de ce scrutin, c’est que ce n’est pas une élection législative, c’est une élection interne au Parti conservateur. L’état actuel des forces au sein du parti est très favorable à un Brexit voire à un Brexit dur. Il y a quand même près de 80 députés qui sont prêts à tout pour ne pas avoir de deal alors que, de l’autre côté, une partie des « remeiners » [qui veulent rester] est partie. On a donc un parti qui est en train de virer radicalement eurosceptique, c’était le cas déjà depuis quelques mois, mais là on le voit bien. La seule perspective pour le parti c’est l’élection d’un leader comme Boris Johnson ou Dominic Raab, moins connu et plus jeune, et qui donc incarne une frange assez radicale. Un tel leader pourrait amener vers une sortie radicale, avec peut-être un accord minimal, accepté du bout lèvres par l’UE, et encore, ça c’est l’hypothèse la plus positive.

Que ce soit Theresa May ou son futur successeur, les Britanniques peuvent-ils éviter un retour aux urnes ? Qu’importe qu’il s’agisse d’une nouvelle élection générale ou d’un référendum, quelle que soit la question ?

Techniquement oui. Les élections doivent avoir lieu en mai 2022. Après, il y a des questions de stratégie politique. Et je pense qu’aucun leader n’est prêt à envisager ce genre de perspective. Mais tout est possible encore une fois. On pourrait très bien avoir un leader dans un style populiste qui décide d’emmener le pays dans un hard Brexit, sans passer le vote en disant que, finalement, le peuple a déjà tranché.

Pour le référendum, il faut quand même dire que la majorité des Britanniques est plutôt pour le Brexit. Ils sont exaspérés par la position du gouvernement, mais le principe de la sortie du pays de l’Union européenne est acté – je pense – par la population. Avec bien sûr des nuances. Sauf que ni l’accord du gouvernement, ni les propositions alternatives n’ont pour le moment trouvé de majorité aux Communes.

Voter à nouveau sur le Brexit c’est une chose, mais voter lors d’un référendum sur l’accord de sortie de Teresa May, c’est impossible ?

Il y a deux choses : d’abord des mouvements comme le People’s Vote qui réclame un nouveau référendum sur le Brexit. Ça c’est quelque chose qui est profondément rejeté par le gouvernement conservateur. Là, la légère évolution qu’on voit dans le discours de Theresa May, c’est qu’elle serait prête, tout est au conditionnel, à accepter l’organisation d’un deuxième référendum, non pas sur le principe du Brexit, mais sur son projet de sortie. C’est seulement si la réponse à ce référendum-là était négative que le principe du Brexit pourrait être remis en cause. Mais tout cela, encore une fois, ce ne sont que des hypothèses. Tout peut changer d’un jour à l’autre.

On parle beaucoup de Theresa May menacée, mais les sondages pour les élections européennes sont aussi assez catastrophiques pour les travaillistes. Le leadership de Jeremy Corbyn peut-il, lui aussi, être en danger ?

Je serai plus sceptique. Parce que le mode de scrutin du leader travailliste est très différent. Jeremy Corbyn a été élu à l’issue d’une primaire semi-ouverte, une procédure qui n’a rien à voir. Les sympathisants ont été invités à participer à la procédure en s’inscrivant en ligne et moyennant 3 livres. Grace à ça, 500.000 personnes ont élu Jeremy Corbyn. Et il a été confirmé puisqu’il y a eu en 2016 une deuxième élection. Donc le Parti travailliste est lui aussi dans une situation catastrophique car il est complètement divisé entre les députés, qui sont plutôt de tendance modérée. De nombreux sont issus des années New Labour, et de la base populaire et ses mouvements qui défendent bec et ongles le leadership de Jeremy Corbyn. Les travaillistes ne peuvent pas se permettre de changer de leader et de perdre un certain nombre de militants, notamment jeunes, qui ont rejoint le parti à l’issue des primaires.

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