Question posée par Al le 29/08/2019

Avec deux jours de retard, Emmanuel Macron a dévoilé mercredi le nom de candidate de la France pour siéger à la Commission européenne: il s’agit de Sylvie Goulard, ancienne députée européenne (2009-2017), éphémère ministre de la Défense du premier gouvernement Philippe en 2017 et, depuis janvier 2018, seconde sous-gouverneure de la Banque de France. Un dernier poste dont elle s’est mise en congé avant son audition, puis son éventuelle validation, début octobre, par le Parlement européen.

Ce choix du président de la République n’est pas sans risque: Sylvie Goulard, en effet, est toujours impliquée dans un dossier judiciaire en cours, celui des emplois fictifs présumés des assistants parlementaires des élus Modem à l’Assemblée de Strasbourg. En juin 2017, elle avait dû démissionner, au bout d’un mois seulement, de son poste de ministre de la Défense pour, disait-elle, assurer sa défense dans cette affaire. Or, à ce jour, l’ancienne députée européenne n’a toujours pas été convoquée par la justice française.

(…)

Mais à l’époque déjà, un autre point noir était venu assombrir l’avenir plutôt prometteur de cette élue centriste: son poste de special advisor («conseillère spéciale») au sein de l’Institut Berggruen, entre octobre 2013 et fin 2015. Une fonction rémunérée, selon ses déclarations d’intérêts financiers figurant sur le site du Parlement européen«plus de 10 000 euros bruts» par mois.

(…)

Quelle était la réalité de cet emploi à quelque 12 000 euros bruts par mois? Sollicité par CheckNews, l’Institut Berggruen n’a pas répondu à nos questions. A l’AFP, il explique que «pendant la durée de son contrat, Sylvie a participé à l’organisation de conférences à Paris et Madrid, d’une table ronde à Bruxelles et de plusieurs autres réunions, en plus de préparer des documents d’information».

Interrogé mercredi par CheckNews, l’entourage de Sylvie Goulard parle, elle aussi, de la rédaction de «rapports» et de «notes de travail». Sans pour autant être en mesure, par la suite, de communiquer lesdits documents ni même les liens internet permettant de les consulter.

Une rapide recherche sur le site de l’institut permet cependant de faire ressortir trois occurrences avec le mot-clé «Goulard». Deux de ces trois résultats montrent qu’elle a bien participé à deux rencontres à Paris et Madrid, appelés «town hall». Sauf qu’une seule de ces deux rencontres, à Madrid en février 2014, s’est déroulée alors qu’elle était sous contrat avec l’institut. L’autre rencontre, à Paris, s’est tenue en mai 2013, soit quatre mois avant son embauche.

La troisième – et dernière – occurrence fait état d’une participation à une réunion à Bruxelles, consacrée aux questions économiques et fiscales, en décembre 2014. Un lien (mort) est censé renvoyer vers un document qu’elle a corédigé avec Mario Monti, président du conseil pour l’avenir de l’Europe.

Ce texte peut néanmoins être retrouvé via le site du Canard républicain. Titré «Fiscal Discipline and Public Investment in Europe» (Discipline fiscale et investissement public en Europe) et effectivement cosigné par Mario Monti et Sylvie Goulard, le texte fait 15 pages (13 sans l’annexe).

Une recherche plus large sur Internet associant «Sylvie Goulard» et «Berggruen» fait ressortir un deuxième document: POPULISM vs. THE INTERESTS OF THE PEOPLE (le populisme contre les intérêts du peuple). Lui aussi fait 13 pages. Mais l’auteur cette fois-ci est un dénommé Pierpaolo Barbieri. Sylvie Goulard n’apparaît que comme l’une des trois «contributing editors», aux côtés de Mario Monti et de Dawn Nakagawa.

Sauf rapports ou documents de travail non publiés sur le Web, le travail rédactionnel de Sylvie Goulard pour l’Institut Berggruen se limiterait donc, sur vingt-sept mois, à la corédaction de deux notes d’une quinzaine de pages chacune. Et, selon la direction de l’Institut Berggruen, «à la participation à l’organisation» – d’un town hall à Madrid, «d’une table ronde à Bruxelles et de plusieurs autres réunions». Le tout, donc, pour quelque 324 000 à 350 000 euros sur la période concernée.

Lire l’article entier sur Libération.fr