Les mythes tenaces du 11 septembre 2001 : 20 ans après

Nous commémorons cette année les 20 ans d’un des évènements les plus marquants du 21e siècle : les attentats du World Trade Center à New York, le 11 septembre 2001. Ce jour là, 2977 personnes sont mortes assassinées par des terroristes en croisade contre l’occident. Ce drame a chamboulé la géopolitique mondiale et a entraîné de profonds changements dans l’administration américaine et dans les normes de construction d’immeubles de grande hauteur.
Cependant, 20 ans après, de nombreux mythes perdurent sur l’origine et le déroulement de cet événement, et certains arguments en faveur de la théorie du complot se sont ancrés au fil du temps dans l’imaginaire collectif.

Pourtant, il suffit souvent d’une vérification attentive pour remonter aux éléments factuels concernant ces arguments, et s’apercevoir de la déformation de la réalité.

La prétention ici n’est bien sûr pas de répondre à tous les livres et tous les documentaires très prolifiques et très rentables réalisés par les tenants de la théorie du complot ces 20 dernières années. Il s’agit seulement de répondre à certaines affirmations factuelles connues et courantes sur le sujet, qui perdurent malgré leur absence de fondement :
– Non, le propriétaire des tours Larry Silverstein n’a pas bénéficié de milliards de $ d’assurance
– Non, il n’y a pas eu de délits d’initiés concernant les actions des compagnies aériennes
– Non, le passeport du terroriste n’a pas été retrouvé dans les décombres des tours jumelles
– Non, la version officielle n’a jamais affirmé que l’acier des poteaux avait fondu
– Non, les terroristes n’étaient pas des afghans vivant dans des grottes
– Oui, de nombreux débris d’avion ont été retrouvés après le crash sur le Pentagone
– Oui, il y a eu une enquête sur l’effondrement de la Tour WTC 7
– Oui, les passagers des avions existaient

Non, le propriétaire des tours Larry Silverstein n’a pas bénéficié de milliards de dollars d’assurance

Il y a un argument pro-complot très répandu sur internet, selon lequel le propriétaire des tours jumelles, Larry Silverstein, aurait contracté une assurance anti-terrorisme 2 mois avant l’attentat et aurait ainsi obtenu des milliards de dollars en assurances. Comment répondre à cela ?

Déjà, Larry Silverstein n’a jamais été à proprement parler le propriétaire des tours jumelles du World Trade Center. C’est le Port de New York qui en était le véritable propriétaire.

En 1995, le gouverneur de New York, George Pataki a décidé de céder un bail de 99 ans en leasing (ou bail emphytéotique en français) sur les tours jumelles pour gonfler les budgets de la ville. L’appel d’offres est ouvert à tous, aux enchères.

En janvier 2001, Larry Silverstein, déjà gérant d’un tel bail sur les tours 4 et 5 du WTC, a enchéri à $3,2 Mds sur les tours jumelles, offre qui a été surenchérie par la société Vornado Realty.

Au final, Larry Silverstein a donc perdu l’enchère. Mais Vornado Realty a retiré son offre et Silverstein a donc remporté l’appel d’offres par défaut en Juillet 2001.

C’est pour cela qu’il a souscrit les assurances 2 mois avant, c’est seulement là que le processus de cession s’est terminée, après plusieurs années de tractations.

Pour le contrat en lui-même, il était parfaitement logique d’inscrire une clause sur les attentats terroristes dans le contrat d’assurances, parce que quand on fait un contrat d’assurance qui se chiffre en millions de dollars on pense à tout, surtout pour les tours jumelles qui avaient déjà été victimes d’un attentat terroriste en 1993, par une bombe placée dans son sous-sol. D’ailleurs, là aussi, les assurances avaient dû débourser 510 millions de dollars pour l’attentat. Donc oui, évidemment il y avait une clause sur un possible attentat sur les tours jumelles, et c’est d’ailleurs le cas pour tous les gratte-ciel de New York.

Mais la véritable vacuité de cet argument tient dans sa finalité, selon laquelle il y aurait eu un gagnant chanceux, celui que l’on surnomme maintenant “Lucky Larry” sur l’internet américain… Alors que tout le monde y a perdu dans cette opération, lui y compris :

Les compagnies d’assurances : le World Trade Center était visé par 24 polices d’assurances, et certaines de ces assurances ont payé des enquêtes privées sur le WTC pour ne pas avoir à payer cette énorme somme. Mais ils n’ont rien trouvé de suspect et ils ont donc du se résoudre à payer les $4,55 Mds imposés par la justice américaine.

Larry Silverstein : Rappelons qu’il s’est battu jusqu’en 2006 contre les compagnies d’assurance devant la justice, et qu’il a à moitié perdu car il n’a obtenu que $4,55 Mds au lieu des $7 Mds prévus, tout en continuant de payer le bail annuel de $102 millions sur les tours du World Trade Center (en pure perte car elles n’existaient plus).

Alors on pourrait se dire qu’il a fait un bénefice de $4,55 Mds – $3,20 Mds (prix d’achat) = 1,35Mds$ ? Même pas.

Car le contrat de leasing l’obligeait à utiliser l’argent de l’assurance pour reconstruire les tours en cas de destruction. Il était donc coincé et a conclu avec la ville de New York un contrat en novembre 2004 pour être aidé par des fonds publics à reconstruire la nouvelle “Freedom Tower” et 4 autres tours. Évidemment, l’argent de l’assurance ne suffisait pas. Et le maire Bloomberg faisait pression sur Silverstein en ne lui délivrant pas les “Liberty Bonds” promis pour la reconstruction (des sortes d’obligations publiques exemptées de taxes délivrées par la FED à la ville de New York pour reconstruire Manhattan après le 11 septembre).

En Avril 2006, Larry Silverstein a alors fini par céder au Port de New York ses droits sur la nouvelle Freedom Tower tout en étant contraint de dépenser tout l’argent des assurances dans les tours restantes. Il a donc perdu beaucoup d’argent au final sans rien y gagner. Il a toutefois gardé un leasing sur les petites tours du nouveau World Trade Center, ce qui lui assure une rente régulière aujourd’hui.

Sources :

Sur le bail de 99 ans
Sur la couverture terrorisme des assurances
Sur les 24 assurances
Sur les $4,55 Mds du procès
Sur les 102 millions de dollars annuels pour le bail de leasing
Sur le contrat qui obligeait Silverstein à utiliser l’argent de l’assurance pour reconstruire
Sur le coût de la reconstruction et l’aide de l’Etat par Liberty Bonds

Non, il n’y a pas eu de délits d’initiés concernant les actions des compagnies aériennes

Dans les jours précédant les attentats, des volumes inhabituels d’opérations boursières ont été réalisés sur les actions des compagnies aériennes, notamment American Airlines et United Airlines, les deux concernées par les détournements aériens.

Cela paraissait effectivement suspect et une enquête a été diligentée par la SEC (Securities and Exchange Commission).

Les put-options (options à la revente) ont été 20 fois supérieures à la moyenne pour United Airlines et 6 fois supérieures à la moyenne pour American Airlines, la veille ou les jours précédant le 11 septembre.

Cependant, le volume de base des put-options est assez bas, donc il est très facile d’atteindre de telles différences dès qu’il y a un mouvement boursier sur ces actions. On parle par exemple de volumes anormaux de put-options le 6 septembre, alors que 96% du volume de ces options de vente pour United Airlines était le fait d’une seule personne, qui a ensuite vendu ces actions pour acheter le 10 septembre 115.000 actions de… American Airlines. Autant dire qu’il s’est fait avoir, et que cela ne ressemble pas du tout à un délit d’initié.

Le 7 septembre, un autre particulier a misé sur de nombreuses options de vente de United Airlines, mais tout en conservant 29.000 actions de la compagnie, ce qui lui a fait perdre 85.000 dollars : ce n’est pas non plus le comportement d’un initié.

Pour American Airlines, les opérations inhabituelles ont été enregistrées le 10 septembre. Le service de conseil financier “Options Hotline” avait envoyé une note d’information à 2000 clients pour leur dire de revendre leurs actions American Airlines en raison de la morosité ambiante sur le marché de l’aviation à ce moment là. La note en question n’avait rien de secret, et son auteur Steve Sarnoff a été retrouvé, interrogé, mais il n’avait strictement aucun lien avec les attentats ou le milieu djihadiste.

De plus, elles n’étaient pas les seules compagnies touchées : KLM aux Pays-Bas avait aussi connu des put options 10 fois supérieures à la normale dans les jours précédant le 11 septembre, ainsi que Boeing qui était tombé le 8 septembre à son plus bas niveau depuis 1 an. Le vrai responsable : le rebond surprise du chômage en août 2001, et les faibles résultats affichés par les compagnies aériennes à cette période.

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