Lubrizol : deux mois après, ils se battent toujours pour que toute la lumière soit faite


Et ils ont pas fini de se battre !


Ce mardi 26 novembre, deux mois après l’incendie de l’usine Lubrizol, entre 250 et 300 personnes se sont réunies afin de réclamer la « transparence et la vérité » sur l’accident. « Vérité/justice, Lubrizol coupable, État complice » étaient les termes inscrits sur la banderole déployée en tête de cortège, lequel est parti du palais de justice pour se rendre jusqu’au site sinistré où une délégation a été reçue. Plusieurs points cristallisent la colère des manifestants : les victimes se sentent délaissées par la justice et veulent savoir comment les cultures perdues vont être indemnisées, l’évolution de leur état de santé sur le long terme, ainsi que la sanction qui sera appliquée à l’encontre de Lubrizol pour les manquements manifestes à la sécurité.

Le collectif souhaite que les indemnisations se fassent « sous le contrôle de l’État, sans limite de temps et sans condition, notamment sans engagement de renoncement à toute poursuite judiciaire ». Car les pratiques de Lubrizol ne font pas l’unanimité. Plusieurs agriculteurs étaient présents lors de ce rassemblement. L’un d’entre eux fermait le cortège avec sa camionnette remplie de légumes inconsommables car intoxiqués par le nuage chimique causé par l’incident. Il s’est senti insulté par la tentative d’accord à l’amiable proposée par Lubrizol : accepter l’indemnisation, à la condition qu’il n’y ait pas de poursuite en justice. Il demande « à ce que ce soit l’Etat qui [l’]indemnise plutôt que Lubrizol parce que les clauses de Lubrizol ne sont pas acceptables ». Un autre demande à ce que l’indemnisation se fasse sur Internet : « on me demande de subroger mes droits avant même que mon dossier ne soit ouvert ni examiné ».

Leur indignation est compréhensible : proposer ce genre d’accord aux paysans de la région lorsqu’on connait les difficultés qu’ils rencontrent déjà, c’est les condamner à la faillite.

La santé des populations est également évoqués par les manifestants qui réclament « une surveillance à long terme des populations exposées ». Ces sont, rappelons-le, plusieurs milliers de tonnes de produits chimiques qui ont brûlé le 26 septembre dernier. Il est difficile de croire que cet incident n’aura pas de répercussions sanitaires. Les pompiers présents sur la scène ont réalisé à plusieurs reprises des bilans sanguins afin de constater un éventuel danger pour leur santé. Alors que les premiers résultats d’analyses paraissaient « anormaux », 15 jours après l’incendie, de nombreux pompiers se sont interrogés sur la possibilité de porter plainte contre X. La dernière prise de sang effectuée mi-novembre a été plus rassurante pour 56% d’entre eux puisque les résultats correspondent aux valeurs de références du laboratoire. Pour le reste, les conclusions sont plus ou moins mitigés : pour 21,5%  des pompiers les variations semblent minimes, pour 0,9%  d’entre eux les variations sont plus significatives et les 21,6% restants n’ont pas renouvelé leur prise de sang.

Le suivi de ces sapeurs-pompiers n’est pas terminé puisque conformément au protocole mis en place, ils devront réitérer une analyse sanguine le 26 février prochain, et s’assurer du bon fonctionnement des systèmes rénaux et hépatiques. Même si l’évolution des résultats peut paraître plutôt « rassurante », il est difficile de comparer l’état de santé de sapeurs-pompiers dont le métier exige de bonnes conditions physiques, à celui du reste de la population rouennaise, constituée d’hommes et de femmes mais également de nourrissons, d’enfants, de femmes enceintes, de personnes âgées et de malades chroniques dont la santé plus fragile et pour lesquels l’exposition aux produits toxiques peut avoir des conséquences plus graves.

Les manifestants ont d’ailleurs été pris de nausées et maux de tête devant le site. Rassurant.

Reste en suspend la question environnementale et les sanctions prévues contre Lubrizol. Un relâchement de la fréquence des contrôles de sécurité est en effet pointé du doigt par les associations environnementales : « Il y a eu 40% de contrôles en moins au cours des douze dernières années » déclare la représentante locale de Greenpeace, qui juge inefficaces les faibles sanctions dirigées contre les pollueurs. Elle déplore des « mises en œuvre peu dissuasives », des amendes « relativement faibles » et « des peines peu lourdes » lorsqu’elles sont portées devant un tribunal. Une autorisation préfectorale donnée en 2019 à Lubrizol afin qu’elle augmente sa capacité de stockage de produits polluants a été accordée sans évaluation environnementale préalable, malgré des dysfonctionnements révélés depuis 2013.

À l’heure de la discussion à la commission européenne du « green new deal », il paraîtrait logique que l’État français montre l’exemple en condamnant économiquement l’usine Lubrizol pour la pollution engendrée par l’incendie : pollueur = payeur, même lorsqu’il s’agit de puissantes multinationales. Allons-nous voir évoluer les choses dans ce sens ? En attendant des réponses sont attendues de pied ferme par la population rouennaise.

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Bardass
4 années il y a

La gestion de cette catastrophe est lamentable tout comme le scandale du sang contaminé, les responsables ne seront guère inquiétés.
L’impunité est omniprésente dans cette soi-disant démocratie qu’est notre république.
J’ai mal à ma France.
1789 qu’est-tu devenu ?

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