Loi bioéthique : les conditions pratiques seront-elles réunies pour que la PMA pour toutes devienne un droit réel ?


Bientôt l'ouverture de la PMA au privé ?

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20 Minutes

BIOETHIQUE Alors que le projet de loi bioéthique arrive en commission à l’Assemblée le 10 septembre, certains médecins alertent sur des difficultés pratiques qui mettent en péril la mise en œuvre de la PMA pour toutes

  • Ouvrir le droit aux couples de lesbiennes et femmes seules d’accéder à la procréation médicalement assistée, promesse de Macron et mesure phare de la loi de bioéthique, pose certains défis pratiques.
  • La PMA pour toutes signifie une augmentation de la demande de dons de sperme. Or aujourd’hui, les couples hétéros attendent jusqu’à deux ans pour obtenir ces précieux spermatozoïdes et seulement 363 hommes ont donné leur sperme en 2016.
  • Manque de moyens, limitation à 29 centres en France, chute des dons de sperme et destruction des stocks, la PMA pour toutes, si elle est votée, risque-t-elle de rester un droit théorique ? 20 Minutes fait le point.

On va beaucoup parler FIV, don de sperme et égalité des droits en cette rentrée. En effet, le projet de loi sur la bioéthique, qui prévoit notamment – mais pas uniquement – de donner la possibilité aux couples de lesbiennes et femmes seules de passer par une Procréation médicalement assistée (PMA ou Assistance médicale à la procréation AMP) pour avoir un enfant risque de faire couler beaucoup d’encre. Les auditions par la commission spéciale ont débuté mardi avant que les députés n’étudient le texte en commission à partir du 10 septembre.

Et déjà, certaines associations et médecins veulent faire pression pour que le texte ne passe pas à côté d’un point essentiel : les conditions matérielles pour garantir que cette PMA pour toutes soit réellement assuré. « Il faut mettre des moyens et du contenu cohérent avec les besoins derrière les slogans, pour rendre ce droit effectif en pratique », martèle ainsi Virginie Rio, fondatrice du collectif Bamp, qui accompagne des couples en PMA.

Manque de donneurs

Sans surprise, l’ouverture de la PMA à toutes les femmes augmenterait la demande de sperme (et non d’ovocytes). Une hausse tout de même modérée, puisque le ministère a évalué à environ 2.000 le nombre de femmes supplémentaires qui pourraient avoir recours à une PMA avec un don par an. Un chiffre basé sur le rapport du  Comité consultatif Nationale d’ethique (CCNE) qui avait estimé qu’entre 2.000 et 3.000 femmes passait la frontière chaque année pour réaliser une PMA, notamment en Espagne et en Belgique. Aujourd’hui, les couples hétérosexuels qui ont recours à un don de sperme – au nombre de 2.200 en 2016 – (sous la forme de paillettes de sperme, qui serviront à une insémination artificielle ou à une fécondation in vitro) attendent en moyenne entre six mois et deux ans. Ce délai risque donc de s’allonger.

D’autant que le projet de loi de bioéthique introduit plusieurs changements, au-delà de la PMA pour toutes. Notamment la possibilité pour les enfants nés d’une PMA avec don d’avoir accès, s’ils le souhaitent et à leur majorité, à l’identité du donneur. Une disposition qui pourrait refroidir certains. Dans les pays européens qui ont ouvert l’accès à la PMA et levé l’anonymat des donneurs, les dons de gamètes ont chuté pendant quelques mois et le profil des donneurs a évolué. Selon l’Agence de Biomédecine, en 2016, seulement 363 hommes ont donné leur sperme en France. Et déjà, la Fédération des centres d’Etudes et de Conservation des Œufs et du Sperme (Cecos), seuls centres habilités à conserver les gamètes, tire la sonnette d’alarme : depuis quelques mois, elle constate une diminution du nombre de candidatures pour le don de gamètes. Et ce avant même que le projet de loi ne soit examiné.

Sachant qu’en France, le don de sperme est et restera gratuit, la question du recrutement des donneurs va par conséquent devenir urgente si la PMA pour toutes est votée… Tous nos interlocuteurs l’assurent : il faut une grande campagne nationale de sensibilisation. Ce que le ministère de la Santé s’est engagé à lancer. « Mais il faut communiquer en s’éloignant des fantasmes, en donnant la parole aux gens concernés, des parents en parcours d’AMP et des adultes nés d’un don », conseille Virginie Rio.

Destruction de stocks de sperme

Deuxième problème, le texte de loi prévoit la destruction du stock de gamètes actuel un an après la promulgation de la loi. « Une fois que la loi entre en rigueur, on ne peut pas imaginer que deux régimes se fassent concurrence, justifie Aurore Bergé, députée LREM et membre de la Commission spéciale bioéthique. Il faut que la règle soit la même pour tous. » Et que chaque donneur sache et accepte que l’enfant, à ses 18 ans, puisse le retrouver.

Mais concrètement, détruire ces stocks de sperme s’apparente à un immense gâchis pour les familles en attente et les spécialistes qui les accompagnent. Sachant que l’étude d’impact de l’Assemblée nationale dévoile qu’il existait un stock en 2016 de 89.000 paillettes… Et que le principe de l’appariement, qui implique de trouver un donneur qui ressemble (via sa couleur de peau) au couple demandeur, peut rallonger les délais. « Quand on a la chance d’avoir des paillettes d’un donneur au profil rare, c’est un trésor, s’émeut Catherine Guillemain, vice-présidente Fédération des Cecos. Etre obligé de détruire ça, c’est de la folie furieuse. On souhaiterait qu’il y ait une autre proposition que cette injonction à détruire. La seule possibilité, pour sauver ces paillettes, serait de recontacter tous les donneurs. »

Mais au cabinet de la ministre de la Santé, les choses sont claires : « il est hors de question de recontacter tous les donneurs. C’est matériellement impossible, certains ont pu déménager, par exemple. On peut en revanche envisager d’appeler publiquement les anciens donneurs à se manifester. »

Du côté des députés, les auditions devraient permettre d’affiner les choses. « Notamment la durée de la phase transitoire. Nous souhaitons attendre la reconstitution de stocks équivalents de gamètes avant de détruire les anciennes réserves », assure Aurore Bergé. Même son de cloche du côté du cabinet d’Agnès Buzyn : « Il n’y aura destruction que lorsque le stock sera reconstitué, promet-on. Et donc une période intermédiaire qui pourrait durer un an ou plus. Personne ne peut le dire aujourd’hui. » Mais cette période peut aussi créer un flou déstabilisant pour les éventuels donneurs. Selon certaines associations, les questions affluent déjà sur les dons de gamètes et la levée de l’anonymat.

Les Cecos ont-ils les moyens de faire face à l’afflux ?

Quand bien même, si ce stock n’était pas détruit, certaines associations et médecins préviennent que ce nouveau droit risque de rester théorique si la loi ne se penche pas sur d’autres détails pratiques. Notamment sur la gestion du don de gamètes, qui resterait aux mains des 29 Cecos. Beaucoup s’étonnent que des couples doivent attendre jusqu’à deux ans aujourd’hui alors que les paillettes de sperme ne manquaient pas en 2016… « Si on ne change pas cette organisation, en pratique, ça sera toujours aussi difficile d’accéder au don de sperme, et peut-être même plus difficile pour les couples actuellement pris en charge, insiste Nathalie Massin, présidente de la Société Médecine de la Reproduction. On ne peut pas faire entrer plus de personnes par la même porte sans augmenter les moyens ! »

Une inquiétude partagée par les Cecos. « Sans changement et moyens supplémentaires, on aura du mal à répondre à la demande actuelle et celle qui se profile », prévient Catherine Guillemain. D’autant que ces mêmes Cecos devront aussi faire face à l’afflux de femmes et d’hommes qui souhaitent congeler leurs ovocytes et leur sperme, étant donné que la loi de bioéthique permettrait à chacun, avec des limites d’âge, de conserver ses gamètes pour une éventuelle PMA. « On rajoute à un système lent une activité supplémentaire », critique Nathalie Massin.

Ce n’est pas le projet de loi qui va trancher cette question budgétaire, mais le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) discuté à l’Assemblée deux mois après. « Il me semble intelligent qu’on commence par voir s’il y a besoin d’élargissement de moyens et dans quelle mesure », assure Aurore Bergé. Et la députée de rappeler que, côté organisation, le texte permettrait une amélioration grâce à un registre national des donneurs, là où, aujourd’hui, ce sont des registres régionaux (qui obligent les receveurs à s’adresser uniquement au Cecos de leur territoire).

Faut-il ouvrir aux centres privés ?

Face à ces défis, , 350 professionnels de l’AMP demandent via une pétition que la loi permette à d’autres centres publics, mais aussi à des centres privés, de gérer les dons de gamète et l’autoconservation. « Si le système actuel ne se transforme pas, les femmes qui en auront les moyens continueront d’aller à l’étranger », prévient Virginie Rio.

Mais cette proposition d’ouvrir au privé n’est pas du goût de tous. « Personnellement, je ne suis pas opposée à ce que des centres privés puissent gérer la demande de conservation de gamètes, avance la vice-présidente de la Fédération des Cecos. En revanche, si on envisage de donner des autorisations de gérer le don à des centres privés, il va falloir regarder de près ce qui se passe. » Pour que la PMA ne devienne pas un business lucratif auquel seuls les plus aisés auraient accès. « Je suis très réservée à l’idée qu’on étende à d’autres centres que les Cecos cette gestion du don de gamètes, avoue Aurore Bergé. L’ouvrir à des centres privés, avec d’éventuels dépassements d’honoraires, serait contradictoire avec notre souhait que la PMA devienne accessible à toutes… Ils ont l’expertise nécessaire, ce qui est rassurant pour les receveurs. » Surtout, cette éventuelle ouverture au privé ne réglerait pas le problème crucial. « On ne pense pas que la multiplication des centres augmenterait le nombre de dons, souligne la vice-présidente de la Fédération des Cecos. On n’est pas assiégé par les candidatures ! »

Source : 20minutes

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Jacques Abel
4 années il y a

Tout cela est d’une vaste stupidité et repose sur un présupposé erroné de femmes malades qui n’ont pas mesurées l’évolution de la science en ce domaine. Si effectivement dans le temps on pouvait dire: Maman sûrement, papa peut-être. Rien n’est plus faux! https://expertadn.fr/test-de-paternite-prenatal-non-invasif/ Papa, c’est aussi sûrement que maman de nos jours, donc, toutes ces gentilles dames doivent s’attendre à ce que le débat soit porté devant la Cour Constitutionnelle quant au droit au père, si cela ne suffisait pas, devant les instances européennes. Ce combat ne peut pas être perdu par la gent masculine qui a le devoir de… Lire la suite »

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