La régulation bancaire entre les mains d’un lobbyiste bancaire !



L’Autorité Bancaire Européenne accueillera bientôt Jose Manuel Campa à sa tête, le lobbyiste en chef de la banque Santander. Un scandale ? Non, un symptôme. Un danger ? Non, le lobby bancaire a déjà la main sur la régulation.

Août 2017, Bruno Le Maire, le ministre des Finances français présente la candidature de Paris pour héberger l’autorité bancaire européenne qui doit, Brexit oblige, partir de Londres. Voir la vidéo ici.

Paris sera choisi deux mois après cette vidéo. Cocorico ! L’autorité bancaire européenne va bientôt ouvrir ses portes à la Défense, avec à sa tête un tout nouveau président dont la nomination fait beaucoup jazzer, car il arrive directement de la banque Santander.

Santander est l’une des plus grosses banques espagnoles, c’est une banque systémique. Cela veut dire que si elle a un problème, ses actionnaires et ses salariés ne seront pas les seuls à en avoir, mais tout le secteur financier et au delà encore. C’est une banque Too Big Too fail comme on dit, trop grosse pour faire faillite.

Depuis la faillite de Lehman Brothers, tout le monde comprend ce concept de la banque que le contribuable doit sauver du naufrage pour ne pas lui même être emporté.

L’autorité bancaire européenne a justement été créée après la crise financière, en 2010, pour assurer je cite, une régulation et une supervision de grande qualité, effective et consistante. L’Autorité bancaire européenne ne légifère pas (c’est le parlement qui le fait, sous proposition de la commission), mais elle est chargée de rendre la législation votée applicable, un peu comme si elle rédigeait les décrets d’application, et de surveiller son effectivité. Elle gère aussi les stress-tests, qui permettent de vérifier que les plus grandes banques européennes peuvent supporter des chocs (de croissance, de baisse de la valeur des actifs financiers etc…)

C’est donc assez stratégique. Pendant 8 ans, cette autorité a été dirigé par un italien pur produit de l’administration publique. Son mandat venant à expiration, une offre d’emploi a été publié.

  • Type de contrat : temporaire. 5 ans renouvelable.
  • Salaire 16 000 euros par mois.
  • Critère de sélection : grande expertise de la régulation bancaire au niveau national.
  • Connaissance excellente des institutions européennes et de la politique.
  • Date d’entrée en fonction 1er avril 2019.

Ce n’est pas Bruxelles qui l’a choisi

Le processus de sélection est passée, et c’est donc José Manuel Campa, un espagnol, qui est sorti du lot.

Ce n’est pas la Commission Européenne qui l’a choisi, mais les Etats, via leur superviseurs nationaux, banque de France, d’Allemagne etc… Ici la liste des superviseurs qui participent au « board » de l’ABE.

Le parlement européen doit entériner sa nomination à la mi mars, mais ce devrait être une formalité, car le comité économique du parlement l’a auditionné cette semaine et a donné son accord.

Universitaire de formation, secrétaire d’état à l’économie de 2009 à 2011, une période où le secteur bancaire espagnol était proche de l’effondrement, José Manuel Campa est actuellement responsable mondial des affaires réglementaires de la banque Santander, en clair, lobbyiste en chef auprès des autorités de régulation du monde entier. Il connait certainement tous les sujets de régulations actuels.

Mais n’y aurait-il pas comme un léger conflit d’intérêt ?

Peut-on passer directement ainsi du privé au public, pour traiter exactement des mêmes questions, dans un domaine aussi sensible que la régulation bancaire, quand bien même on respecte la politique des conflits d’intérêts de l’ABE ?

La réponse est oui, et sans aucun bémol. Quand on passe du public au privé, les règles européennes obligent à, ce qu’on appelle une « cooling of period », en bon français un temps de carence; mais pas quand on fait le chemin inverse.

Les portes tournantes vont dans les 2 sens mais le rétropantouflage n’est pas encadré. Pas plus en Europe qu’en France, où François Villeroy de Galhau est passé tout naturellement de directeur délégué de la BNP Paribas (grosse banque systémique française) à gouverneur de la banque de France. Il est loin d’être le seul en Europe.

Ça ne changera rien…

Des exemples d’aller retour public en privé, on en trouve des milliers pour la finance. Car la finance est complexe, de plus en plus, et qu’il se pense qu’avoir travaillé dans le privé permet d’avoir l’expertise pour comprendre quoi réguler.

Mais réguler dans quel sens ? Pour que le marché soit plus fluide, plus efficace ? Ou qu’il soit plus sûr ?

L’intérêt des banques n’est pas celui du public. Les banques ont intérêt à faire des profitsn, profits qu’elles font essentiellement sur les marchés financiers, pas dans la banque de détail. Le public a intérêt à ce qu’il n’y ait pas d’autres crises financières.

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