Japon. Un chercheur autorisé à créer des embryons hybrides animaux-humains



Objectif : créer de nouvelles sources d’organes destinés à la transplantation, contourner la pénurie mondiale de donneurs d’organes et ainsi sauver des milliers de patients en attente d’une greffe. Mais créer des embryons d’animaux dotés de cellules humaines pose nombre de questions.

« Il faut procéder par étapes, avec prudence. Cela permettra de dialoguer avec le public, qui se sent anxieux et préoccupé ». Tetsuya Ishii, chercheur en sciences politiques à l’université d’Hokkaido, au Japon, met le doigt sur l’incroyable résonance que vont avoir – dans la société de son pays, mais aussi la communauté internationale -, les travaux du chercheur Hiromitsu Nakauchi.

Ce scientifique, spécialisé dans les cellules-souches, va en effet recevoir une aide gouvernementale pour la création d’embryons d’animaux contenant des cellules humaines et leur transplantation dans des animaux de substitution. Autrement dit, des embryons hybrides animal-humain.

La pratique, jusqu’ici interdite, a été autorisée au Japon voici quelques semaines.

Pourquoi de telles recherches, dont le simple intitulé fait froid dans le dos ? Pour déboucher sur de nouvelles sources d’organes destinés à la transplantation, explique la revue scientifique Nature – en d’autres termes, pour contourner la pénurie mondiale de donneurs d’organes et ainsi sauver des milliers de patients sur liste d’attente.

Restent quatre questions fondamentales : comment procéder ? est-ce que cela peut fonctionner ? quels sont les risques ? et surtout, comment résoudre la question éthique de ces pratiques ?

1. Comment créer de tels embryons hybrides ?

Hiromitsu Nakauchi, qui dirige des équipes à l’Université de Tokyo et à l’Université Stanford en Californie, prévoit de cultiver des cellules humaines dans des embryons de souris et de rat, puis de les transplanter chez des animaux de substitution. Objectif : créer des animaux avec des organes constitués de cellules humaines qui pourront être transplantées dans l’homme.

L’idée est en fait de créer un embryon animal dépourvu du gène nécessaire à la production d’un organe donné – comme le pancréas par exemple – puis à injecter des cellules-souches humaines de cet organe dans l’embryon animal. Ces cellules sont celles qui ont été reprogrammées à un état embryonnaire et peuvent donner naissance à presque tous les types de cellules. À mesure que l’animal se développe, il utilise les cellules humaines pour fabriquer l’organe.

Hiromitsu Nakauchi explique qu’il va procéder lentement, en plusieurs étapes.

Dans un premier temps, il prévoit de cultiver des embryons de souris hybrides jusqu’à 14 jours et demi, au moment où les organes de l’animal sont pour la plupart formés et presque terminés. Il fera ensuite les mêmes expériences chez le rat, faisant croître les hybrides à court terme, environ 15 jours et demi. Enfin, le chercheur japonais demandera l’approbation du gouvernement pour faire pousser des embryons hybrides chez le porc pendant 70 jours.

2. Est-ce que cela peut fonctionner ?

Pas sûr. En 2017, Nakauchi et ses collègues ont injecté des cellules-souches de souris dans l’embryon d’un rat incapable de produire un pancréas.

Le rat a formé un pancréas entièrement constitué de cellules de souris. Nakauchi et son équipe ont transplanté ce pancréas dans une souris conçue pour le diabète. L’organe produit par le rat était capable de contrôler le taux de sucre dans le sang, guérissant efficacement le diabète de la souris. Une réussite, donc.

Mais… il n’est pas facile de faire croître des cellules humaines chez une autre espèce. En 2018, Nakauchi et son équipe ont annoncé qu’ils avaient introduit des cellules-souches humaines dans des embryons de mouton conçus pour ne pas produire de pancréas. Mais les embryons hybrides, développés pendant 28 jours, ne contenaient que très peu de cellules humaines et rien ne ressemblait à des organes.

Ceci est probablement dû à la distance génétique entre l’homme et le mouton, explique le scientifique japonais.

« Comprendre la base moléculaire et développer des stratégies pour surmonter cette barrière sera nécessaire pour faire avancer le domaine », confirme Jun Wu, qui étudie les chimères homme-animal à l’université du Texas Southwestern Medical Center à Dallas.

3. Quels sont les risques inhérents à ces expériences ?

Nombre de chercheurs craignent que les cellules humaines implantées dans un animal se déplacent au-delà des organes ciblés, se propageant dans son cerveau et affectant son fonctionnement.

À cela, Hiromitsu Nakauchi répond que ces préoccupations ont été prises en compte dans la conception de l’expérience. « Nous essayons de générer des organes ciblés, alors les cellules ne vont que dans le pancréas », affirme-t-il.

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