General Electric à Belfort : « On est en train de détruire toute l’industrie française »



Près de 5 000 personnes ont défilé samedi dans la cité du Lion pour dire non au plan social du groupe américain General Electric. Plus de 1 000 emplois sur 4 300 sont menacés.

Les rideaux de fer ont crissé un peu partout en ville, juste après la pause déjeuner. Des glas singuliers, aigus et perçants, dont les notes tombaient comme des larmes. Les organisateurs de la manifestation avaient demandé aux commerçants de fermer temporairement leur magasin, samedi 22 juin, en signe de soutien aux salariés de General Electric (GE).

Car le plus gros employeur du Territoire de Belfort, avec 4 300 salariés, a prévu de supprimer plus d’un millier de postes dans sa branche turbines, rachetée à Alstom en 2015. Le plan social a été dévoilé fin mai au lendemain des élections européennes. Un cataclysme pour les salariés et pour la cité du Lion, dont l’histoire industrielle a débuté en 1879 avec l’implantation de la Société alsacienne de constructions mécaniques (SACM), qui deviendra Alsthom (puis Alstom). C’était après l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine par la Prusse.

« Cela fait quarante ans que je suis dans le métier », raconte Mario Gallucci, boucher-charcutier avenue Jean-Jaurès. « J’ai vécu les difficultés d’Alst(h)om et de Bull, mais jamais je n’avais connu une telle atmosphère de morosité, de peur ». Cela se traduit dans le comportement d’achat de ses clients, plus frileux. « Les gens se disent : “On est foutus”. » Il poursuit : « On parle des salariés qui vont perdre leur emploi, mais n’oublions pas l’impact, énorme, sur les commerçants. Moi-même j’ai commencé à anticiper une baisse durable de mon activité. J’ai réduit mon salaire pour me constituer de la trésorerie et j’ai renoncé pour le moment à embaucher un jeune en CDI. »

« On ne voit pas de perspectives, on ne maîtrise plus rien… »

Vers 13 heures, les premiers manifestants ont commencé à converger vers la place de la Résistance, au pied de la Maison du peuple, point de départ du défilé. « Bien sûr qu’il fallait se mobiliser », lance Benoît, qui travaille dans la fonction publique territoriale, peu avant que le cortège s’ébranle pour rejoindre la préfecture où une délégation syndicale a été reçue par la représentante de l’Etat.

« Il y a du monde, c’est bien. Mais cela va-t-il suffire à faire reculer GE ? », enchaîne-t-il avec une moue dubitative. « Ce qu’on vit aujourd’hui dans le Nord Franche-Comté fait penser à la crise de la sidérurgie en Lorraine dans les années 80, embraie Daniel Feurtey, maire Europe Ecologie-Les Verts de Danjoutin, une commune jouxtant Belfort. On ne voit pas de perspectives, on ne maîtrise plus rien… »

Les syndicats n’accordent aucun crédit aux dirigeants belfortains du conglomérat américain. Ils l’ont répété en préambule sur les marches de la Maison du peuple. « Antoine Peyratout [l’un des dirigeants] nous a dit droit dans les yeux, et la main sur le cœur, que le plan social ne signifiait pas la fermeture du site », rapporte le syndicaliste Alexis Sesmat (SUD). « Mais quand on regarde en détail les documents du plan social, il est écrit noir sur blanc qu’il y en aura un deuxième !, poursuit-il. Or le premier prévoit de réduire de cinq à un le nombre de machines fabriquées à Belfort. Il ne resterait plus ici que la 9HA. Que se passera-t-il alors avec la deuxième vague, si ce n’est l’arrêt de la production de cette turbine, la plus grosse du catalogue de GE ? M. Peyratout, en poste depuis neuf mois, est un menteur. Il a été nommé pour nettoyer le site. »

« Mais que fait l’Etat français ? »

Rodrigue, salarié dans la branche turbines à gaz, fulmine : « L’accord signé fin 2014 entre General Electric et l’Etat français prévoyait 1 000 embauches sur quatre ans. GE n’a pas respecté ses engagements et a payé une amende de 50 millions d’euros. Seulement on oublie un autre chapitre de cet accord qui prévoyait la localisation à Belfort des centres de décision pour le marché du 50 Hertz, cela pour une période de dix ans. Là non plus cet engagement n’a pas été tenu. Pourquoi l’Etat français n’attaque-t-il pas GE en justice ? »

Dans le cortège d’où jaillissaient des slogans hostiles au président de la République Emmanuel Macron, il y avait environ 5 000 personnes (selon la police) avec des actifs et des retraités, des couples et leurs enfants, des étudiants, des représentants syndicaux (salariaux et patronaux) et des élus, toutes tendances confondues, dont Jean-Luc Mélenchon (LFI), Philippe Poutou (NPA) et Marie-Noëlle Lienemann (ex-PS). Et un seul mot d’ordre : « Tous unis face à l’inacceptable ». Une unité qui s’est un peu fissurée, le matin même, à l’hôtel de ville lorsque des syndicalistes ont empêché l’accès à une réunion à des élus du Rassemblement national.

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