BIENTÔT, J’ARRETERAI TOUT … ET JE COMPTE SUR VOUS
C’est avec le cœur lourd que j’écris ces lignes. C’est même un déchirement après m’être tant investi dans le combat pour la liberté et l’égalité depuis ce jour du 17 novembre 2018. Mais jusqu’au bout, je veux être honnête et transparent avec vous. Alors après plusieurs mois de réflexion, je vais vous dire les choses telles qu’elles me viennent, sans détour et sans filtre.
Nous entrons dans une période bien sombre de notre Histoire. Pendant des mois, j’ai espéré. J’ai tenté à mon niveau d’agir pour le mieux. Mais chaque jour qui passe me convainc un peu plus de l’impossibilité de nous faire dévier de notre trajectoire. Me confronter quotidiennement à mon impuissance ne serait-ce qu’à participer à une dynamique collective positive m’a usé. Et le résultat final est que je n’y crois plus, pas dans la période actuelle en tout cas. Ma conviction est qu’il faudra que nous touchions le fond pour enfin commencer à nous relever du chaos que nous aurons nous-mêmes engendré. Quand ce moment se produira-t-il ? Dans 2 ans, 5 ans, 10 ans, 30 ans ? Impossible à dire.
Il y a mille raisons qui m’ont amené à ces conclusions. Je n’en citerai que les plus importantes.
Il y a bien sûr les dominants qui usent et abusent de leurs privilèges, de leurs positions d’influence et de leurs réseaux pour maintenir de force un système inique et voué désormais à imploser. C’est par leur faute principalement que nous nous dirigeons vers un effondrement généralisé (politique, économique, social, écologique) puisqu’outre le fait d’être les ordonnateurs de ce marasme, elles s’appliquent à maintenir le maximum de gens sous l’aliénation des plaisirs illusoires de la consommation et du divertissement pour neutraliser toute capacité de réaction. Mais ça, je le savais déjà quand je me suis engagé dans le mouvement des gilets jaunes.
Ce qui a vraiment eu raison de mon optimisme, c’est le comportement de tous ceux qui se prétendent être du camp des « résistants ». Du simple citoyen lambda qui vomit sa haine ou répand des thèses délirantes sur les réseaux sociaux au leader d’opinion, tantôt opportuniste tantôt prisonnier de ses récits extravagants et hallucinés, tous partagent les mêmes faiblesses. Incapacité à se remettre en question et à faire prévaloir la raison sur l’émotion, besoin pathologique de reconnaissance pour se sentir exister. Ce sont ces maux qui nous empêchent de constituer une équipe soudée et intelligente à même de bâtir un autre modèle de société fondé sur la coopération et le partage. Si je n’en veux pas à tous ceux qui écrivent seuls sur leur clavier car ils sont les victimes d’un système qui écrase les individus, je ne peux pas dire autant de ceux qui prétendent porter le flambeau de la résistance et ne recherchent en réalité que la lumière des projecteurs.
Si j’étais cynique, je pourrais faire comme ces irresponsables souvent victimes d’eux-mêmes : surfer sur la moindre polémique pour caresser les passions tristes dans le bon sens du poil et faire prospérer ma petite boutique. Je volerais votre temps si précieux en focalisant votre attention sur des sujets suscitant de vives émotions sur l’instant mais, au fond, totalement insignifiants. J’en tirerai certainement quelques satisfactions : des dizaines voire des centaines de milliers d’abonnés en plus, des commentaires de supporters à ma gloire personnelle, et peut-être quelques opportunités professionnelles, qui sait ? En agissant de la sorte, je sais que je ne ferai que reproduire le comportement de nos « élites » corrompues. Je n’agirai pas dans le sens du bien commun mais uniquement au service de ma petite personne et de mon ego, cette petite voix dans la tête qui ne cesse de quémander des flatteries pour se persuader qu’elle est importante dans l’univers.
Je me fais, je crois, une idée bien trop noble de ce que doit être le combat pour la liberté et l’émancipation pour céder à pareilles bassesses intellectuelles et morales. Je n’ai jamais voulu le pouvoir et je me méfie terriblement des effets psychologiques qu’il peut avoir sur les individus qui en deviennent les dépositaires. C’est pourquoi je me suis évertué à rendre le peu de pouvoir que j’ai acquis au cours de mon engagement en partageant avec vous mes connaissances. Car à mes yeux, le seul pouvoir qui soit sain pour les êtres humains est celui du savoir.
Or, je ne crois pas que ce soit la quête de la vérité et de l’intérêt général qui animent un certain nombre des bruyants porte-voix qui agitent le débat public, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans les médias autorisés. Tout n’est plus que cacophonie, entre polémiques stériles et règlements de compte personnels ou partisans. Dans cet océan de bêtise et de paresse intellectuelle, les voix rationnelles s’éteignent peu à peu. Bientôt l’obscurité règnera sans partage. Je préfère me retirer avant qu’elle ne m’atteigne à mon tour.
Revoir notre entretien avec François Boulo sur son dernier livre « Reprendre le pouvoir »: