Égypte : le renseignement français a-t-il contribué aux bombardements de civils ?


La France complice de crimes d'État ?

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Des renseignements français partagés aux autorités égyptiennes auraient été détournés au profit d’autres motifs que celui de l’antiterrorisme.

Une mission franco-égyptienne

Dans une enquête publiée dimanche 21 novembre, le média Disclose a dénoncé le potentiel détournement d’informations françaises remises à l’Égypte, qui aurait ainsi coûté la vie à de nombreux civils. S’appuyant notamment sur des « documents confidentiel défense », le média d’investigation explique que la mission entamée en février 2016 par Paris et dévoyée par l’État égyptien consiste « en principe […] à scruter le désert occidental pour y détecter d’éventuelles menaces terroristes venues de Libye ». Mise en place afin de sécuriser la frontière égypto-libyenne et de lutter contre le terrorisme, cette opération, baptisée « Sirli », s’appuyait sur le déploiement d’un avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR) loué à la Direction du renseignement militaire (DRM).

Une mission qui aurait alors été déviée de son utilisation première par Le Caire : le régime égyptien aurait, selon le média, utilisé les informations des renseignements français afin d’effectuer des frappes aériennes sur des véhicules de contrebandiers présumés.

19 bombardements

« Théoriquement, les données recueillies devraient faire l’objet de recoupements afin d’évaluer la réalité de la menace et l’identité des suspects. Mais très vite, les membres de l’équipe comprennent que les renseignements fournis aux Égyptiens sont utilisés pour tuer des civils soupçonnés de contrebande. Une dérive dont ils vont alerter leur hiérarchie à intervalles réguliers », en vain, a déclaré Disclose. Ainsi, selon les documents obtenus par l’ONG, « les forces françaises auraient été impliquées dans au moins 19 bombardements contre des civils, entre 2016 et 2018 ». Des frappes qui ont pu être réalisées notamment grâce à la localisation des cibles fournie par l’armée française.

Pourtant, les renseignements français se sont rapidement inquiétés des dérives de l’opération. Dans une note transmise à l’Élysée le 23 novembre 2017, il est indiqué que « par manque de moyens de surveillance, l’identification des pick-up ne peut être effectuée sans autre élément d’appréciation que le survol initial dont ils ont fait l’objet. Aussi, l’identification de certains véhicules et les frappes d’interdiction qui en découlent pourraient être soumises à caution ». Dans une autre note datée du 22 janvier 2019 à l’attention de la ministre des Armées Florence Parly, des militaires ont signalés « des cas avérés de destruction d’objectifs détectés par l’aéronef » et ont estimé « important de rappeler au partenaire que l’ALSR n’est pas un outil de ciblage ». Le bilan resterait difficile à préciser, étant donné que les frappes détruisaient « souvent plusieurs véhicules ».

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Vers l’ouverture d’une enquête ?

Suite à ces révélations, les députés de La France Insoumise ont déclaré vouloir réclamer « dans les meilleurs délais » une commission d’enquête à l’Assemblée nationale. Dans un communiqué, ils estiment que « le ministre de la Défense de François Hollande, devenu ministre des Affaires étrangères sous Emmanuel Macron, Jean-Yves Le Drian, doit de toute urgence apporter des explications devant la représentation nationale ». À ses côtés devront également se justifier la ministre des Armées Florence Parly, sa prédécesseuse Sylvie Goulard, ainsi que l’ancien ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault.

« Les commandes d’armements exorbitantes passées par l’Égypte auprès de la France durant la même période pourraient expliquer le silence coupable des autorités françaises devant le détournement de cette mission et les violations des droits humains dont le régime égyptien s’est rendu coupable » ont également poursuivi les élus. Cependant, cette résolution voulue par LFI demandant l’ouverture d’une enquête n’a que peu de chances d’aboutir : le gouvernement peut en effet déclarer irrecevable la résolution s’il juge que son adoption peut engager sa responsabilité…

De son côté, le ministère des Armées n’a pas souhaité commenter les éléments révélés par Disclose, tout en ne réfutant pas leur authenticité. Une enquête a néanmoins été ouverte à la demande de Florence Parly.

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