Coronavirus : qui va payer les milliards d’aides annoncés par Macron ?


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Dans cet article, nous nous interrogeons sur la question suivante : qui va payer les milliards promis par le gouvernement pour sauver les entreprises et soutenir les Français face à la crise que nous traversons actuellement ? Éléments de réponse.

Nous nous concentrons ici sur les aspects économiques de la crise du Covid-19 et non sanitaires. Il faut tout d’abord comprendre que la crise économique est sans précédent dans notre histoire récente. L’INSEE estime que chaque mois de confinement « coûte » trois points de PIB (l’indice de richesses produites en France). Le gouvernement table déjà sur une chute d’au moins 8 % pour l’année 2020, et cette prévision n’est pas la plus pessimiste.  À titre d’exemples, la dernière crise financière en date de 2009 n’avait entraîné qu’une diminution de 2,9 % du PIB, et le fameux choc pétrolier de 1975 de seulement 1%.

C’est l’impact de la crise sur l’emploi qui est cependant le plus marquant : 7 à 8 millions de salariés sont concernés par le chômage partiel. Soutenu par l’État, il a le mérite de limiter à court terme les destructions d’emploi. On estime tout de même le nombre de nouveaux chômeurs à 400.000 pour le premier mois de confinement, et cela devrait augmenter en avril. Comme souvent, les salariés précaires (notamment les fins de CDD) seront les premiers exposés. Ils vont en outre, avoir des difficultés importantes à retrouver un emploi au regard de la conjoncture actuelle. D’une manière générale, les déficits sociaux et publics vont se creuser considérablement : le gouvernement prévoit une augmentation de la dette publique à 112 %.

L’État va devoir soutenir la production et la consommation

Pour encore bien comprendre l’effet sans précédent de la crise actuelle, il faut regarder du côté de la production et de la consommation (fameuse notion de l’offre et de la demande). Les chaînes de production des entreprises sont soit à l’arrêt, soit fortement impactées par le confinement ou la distanciation sociale. Fin mars, la consommation des ménages français avait chuté quant à elle de 35%, dû principalement aux baisses de revenus et aux limitations de déplacement aux achats de première nécessité.

Avec une large majorité du pays à l’arrêt depuis plusieurs semaines donc, l’objectif du gouvernement va être de sortir de « l’engourdissement » et d’impulser une nouvelle dynamique. Suite aux dernières annonces d’Édouard Philippe, nous savons que le déconfinement sera progressif, et tiendra compte de plusieurs critères comme la situation familiale, le type d’emploi, la région… Le déconfinement ne sera pas synchrone. La reprise sera de facto fastidieuse voire douloureuse, d’autant qu’une partie importante de la production et de la consommation (le tourisme et les importations/exportations par exemple) dépendent de l’étranger.

Le premier enjeu pour le gouvernement va être de soutenir les entreprises dans leur capacité à retrouver leur niveau de production d’avant-crise. L’État et les entreprises vont devoir se réinventer et s’adapter à de nouvelles exigences sanitaires qui risquent nous suivre longtemps, et cela impliquera de nombreux aménagements organisationnels. L’autre enjeu est la reprise de la consommation, et la majorité des économistes s’accordent sur le fait qu’une absence de reprise nette de la consommation pèserait énormément. L’occasion pour nous citoyens, de soutenir dans les prochains jours les produits et les producteurs français, de davantage consommer localement et en circuit court, de solliciter les commerces de proximité ?

Nous savons aussi que la consommation est étroitement liée au climat général, et à un certain sentiment de confiance. Les spéculations sur une possible « deuxième vague » et un nouveau confinement à l’avenir n’incitent pas à l’optimisme et à la dépense.

Où l’État français trouve-t-il de l’argent ?

Par l’utilisation tout d’abord de moyens que nous pourrions qualifier de traditionnels. L’emprunt sur les marchés financiers sera de 322,6 milliards d’euros, au lieu des 230,5 milliards prévus. L’émission de cette nouvelle dette se fera sans intérêt car les taux sont négatifs, ce qui ne dispense pas de la question de savoir comment, quand et si, nous allons rembourser.

Le deuxième moyen est l’activation du MES, le Mécanisme Européen de Stabilité. Souvent décrié, il s’agit d’un fond de réserve pouvant être activé sous conditions en cas de crise. La France est le deuxième contributeur net de ce fond, avec près de 143 milliards d’euros versés. Le problème vient des conditions justement, dictées par l’Union Européenne, et qui risquent d’imposer encore plus d’austérité dans les années à venir.

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Alors, qui va payer ?

Si le gouvernement considère ce nouvel argent comme une avance et non un don, il va donc falloir rembourser. Pour rembourser une dette, il existe deux leviers : les impôts (création ou augmentation) et la réduction des dépenses publiques.

Les Français au sens large risquent d’être mis à contribution financière. Mais pas uniquement, puisque le MEDEF par exemple, pousse pour une augmentation du temps de travail. Les salariés risquent donc payer de leur temps pour soutenir la reprise. Nous pouvons nous attendre à ce que ces attentes patronales soient prises en compte au nom de la compétitivité ou des incitations au retour au travail. Le gouvernement pourrait également faire la chasse aux épargnants et à l’argent qui dort, non propices à la relance de la consommation. Des textes au niveau européen allant dans ce sens sont « dans les tiroirs », et pourrait ressurgir en temps voulu pour saisir les capitaux au dessus de 100.000 euros.

Avec l’activation du MES, le dogme européen de l’austérité budgétaire pourrait aussi faire son retour à moyen terme. Les dépenses publiques pourraient donc être encore réduites dans des institutions qui apparaissent pourtant comme essentielles et stratégiques aujourd’hui. Sur ce dernier point, le Coronavirus a par exemple tristement illustré la casse progressive des hôpitaux français depuis plusieurs années.

Notons que la banque centrale européenne (BCE) a interdit aux banques centrales de financer directement les États, contrairement à ce que fait la Banque d’Angleterre, par exemple. Nous constaterons à terme la meilleure des deux stratégies. La France peut-elle pour autant faire défaut sur sa dette ? C’est possible, tout comme l’Espagne et l’Italie, des pays particulièrement exposés. L’Union Européenne a montré à ce sujet son manque total de solidarité en refusant, Allemagne et Pays-bas en tête, la mutualisations des dettes avec les fameux « Coronabonds » voulus par la France initialement.

Macron apparaît comme de plus en plus mal à l’aise

Les riches et les entreprises très lucratives seront-elles mises à contribution ? C’est fort peu probable. Le Medef et les grandes fortunes ne veulent bien sûr pas en entendre parler. Le gouvernement a, de son côté, écarté un possible retour de l’ISF (l’impôt sur la fortune).

Notre président arrivera-t-il à se défaire de son idéologie pour essayer une autre politique, plus adaptée à ces temps de crise ? Préférera-t-il les salariés aux actionnaires par des versements d’aides d’État aux entreprises n’ayant pas de lien avec des paradis fiscaux ou refusant le versement de dividendes ? Préférera-t-il l’intérêt général aux marchés et la France à l’Europe ?

Si l’État, garant de l’intérêt général, fait endosser aux salariés et à l’ensemble des entreprises le remboursement des dettes par des taxes ou des impôts, il sacrifie la richesse future. Les épargnants, principalement « les riches et les vieux », qui constituent une part forte de l’électorat de Macron seront-ils mis à contribution plus que les autres ? Macron est en mauvaise posture. On peut comprendre pourquoi.  Il va devoir, contrairement à ce qu’il a toujours montré, se soumettre à l’intérêt du plus grand nombre et peut-être sacrifier les plus privilégiés qui l’ont fait élire.

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Techoub
3 années il y a

Il y a un autre levier possible pour accélérer la reprise de l’activité. Réduire de 20 % (pourcentage indicatif) les revenus de l’ensemble des salariés dont le montant est supérieur au SMIC (le niveau de revenu étant à discuter également); ceci pendant une période à déterminer, avec une récupération progressive du salaire d’origine. L’économie serait abyssale et permettrait de ne pas aggraver la dette supplémentaire « acquise » suite au confinement. En effet, nous nous sommes habitués tant bien que mal à vivre plus chichement, voire sur notre épargne de précaution. Il doit être possible, après une telle expérience de réduire notre… Lire la suite »

3 années il y a

Le Problème c’est que le Mal est déjà fait..
La Sécurité sociale cassée à partir des années Miterrand.
La Réforme des retraites commencée dans le privé avec Balladur, puis qui affecte le Public.
Les privatisations de toutes nos entreprises de production d’énergie.
La casse du droit du travail avec Sarkozy, aggravée par Valls El Komry (et Macron, déjà!)
La casse des prud’hommes par Macron.
Les privatisations des autoroutes (Sarkozy)
La FDJ privatisée dans un silence assourdissant.
Les accords d’échange entre l’UE et le Canada..
Que reste-t-il comme marge de manoeuvre à notre pays?

Jacques Abel
3 années il y a

Macron ne va rien faire pour nous, le FMI tablait sur une croissance mondiale de plus de 3 % au début de l’année, là il annonce une récession mondiale de plus de 3 %… on va boire le bouillon en entier comme des grands, le breuvage est encore plus amère qu’en 2008 et, ils vont s(associer aux pauvres les riches pour payer l’ardoise, franchement, y’en a qui y croient ? Comment on va relancer l’activité économique quand c’est la Chine qui redresse déjà l’échine alors qu’on lui fait la guerre ? Nous sommes face à des économistes fixistes, ils ne vont pas modifier leur… Lire la suite »

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