Pour les dizaines de milliers de coursiers Uber Eats, Deliveroo, Just Eat, Frichti, Nestor et autres Yper qui sillonnent environ 320 villes en France, le reconfinement n’a rien d’une aubaine. Ils se confient.
À vélo, trottinette, mono-roue, scooter ou moto, chargés d’une glacière isotherme aux couleurs des start-ups de la « FoodTech » qui les emploient, on ne voit plus qu’eux à la nuit tombée, lorsque le reconfinement reprend ses droits. Ces coursiers seraient plus de 50 000 en France, et leur nombre augmente sans cesse. Tandis que les restrictions sanitaires autorisant la livraison de repas auraient pu leur profiter, la plupart peinent à tirer de journées à rallonge un revenu décent. Et ce n’est pas l’interdiction des livraisons après 22 heures à Paris, entrée en vigueur le 6 novembre, qui arrangera leurs affaires.
« Je tourne à 7 € de l’heure. Avant le confinement, j’étais à 14 ou 15 € », constate Khaled à Paris. Ailleurs, le constat est identique : « C’est la grosse galère, je me fais tout juste 20 euros entre 11 heures et 14 heures », glisse Samir* à Marianne, livreur à Marseille pour Deliveroo, mais aussi Uber Eats et Just Eat. Ils sont en effet nombreux à disposer d’un compte sur les applications des trois poids lourds du secteur. Leur but : compenser des pertes liées aux baisses successives de tarification des courses. En quelques années, Deliveroo est par exemple passé d’un forfait de 7,50 € de l’heure (plus 2 à 4 euros par livraison) à 2 € à la récupération de la commande auxquels s’ajoute 1 € pour la livraison, assortis d’une variable en fonction de la distance de la course, des pics de commandes ou de la météo.
LE CONFINEMENT A DÉCLENCHÉ UNE VAGUE DE VOCATIONS
Tout aussi problématique est la concurrence acharnée entre livreurs, bien loin des quinze premiers jours du confinement décrété en mars dernier, évoqué comme un « âge d’or » : « À l’époque, c’était la folie, lâche Samir. 300 € en deux jours ! » L’explication ? « Au début du premier confinement, beaucoup ont préféré rester chez eux, par peur du virus ou ignorant encore si leur activité allait faire l’objet d’une dérogation », explique le sociologue Stéphane Le Lay, actif dans un projet de recherche sur les livreurs financé par le ministère du Travail. Résultat : les coursiers restés sur le bitume ont multiplié les gains, du moins pour un temps. Attirés par cette aubaine, leurs collègues s’y sont remis et d’autres ont cru trouver leur vocation. Mais si la vente à emporter connaît en temps de confinement une hausse sensible, l’inflation des flottes de livreurs s’avère trop élevée pour que tous en vivent.