Faut-il annuler la dette publique détenue par la banque centrale ?


Source : Twitter d'Anice Lajnef

Sur son compte twitter, Anice Lajnef, ancien trader reconverti consultant économique, revient sur un débat qui a beaucoup fait rage ces derniers mois : faut-il annuler la dette publique détenue par la banque centrale ?

Cette question fait débat et divise les économistes. En réalité, cette question est éminemment politique comme nous allons le voir.Déjà, qu’est-ce qu’une dette publique ? C’est l’ensemble des emprunts effectués par l’État et qu’il doit à la sphère privée. Pourquoi emprunte-t-il ? Parce qu’il dépense plus qu’il ne perçoit de recettes. C’est le cas depuis 1974.

La différence entre les dépenses et les recettes est donc négative depuis 46 ans. On appelle cela le déficit de l’État. Donc la dette publique est la somme cumulée des déficits de l’État. Avant le covid, la dette publique s’élevait à 100% du PIB, soit la richesse créée par le pays en un an. Entre dans la dépense publique, le coût des intérêts de la dette publique. Ces intérêts sont autour de 40 milliards par an, soit quasiment le budget de l’éducation nationale.

Sans le coût des intérêts, la dette publique française serait quasiment insignifiante

Nous payons donc autant d’impôts pour éduquer notre jeunesse, que pour renflouer des agents économiques qui ont un surplus de richesse, voire même qui n’ont rien si ce n’est le droit de créer de la monnaie à partir de rien (c’est le cas des banques). Notons que sans le coût des intérêts, la dette publique française serait quasiment insignifiante. Notre dette est le fait des intérêts perçus par la sphère privée. Si l’État pouvait emprunter à 0% auprès de la banque centrale, la question de la dette publique ne se poserait pas !

Pourquoi l’État emprunte-t-il à la sphère privée et non à la BCE directement avec un taux nul ? C’est d’abord inscrit dans les traités européens, ceux de Maastricht signés en 1992, et ceux de Lisbonne signés en 2006. La logique de l’UE veut que seuls les marchés peuvent financer l’État contre un taux d’intérêts décidé par le marché de la dette. L’idée est que les marchés sont efficients, alors que l’État est gaspilleur. Nous voyons bien que c’est une légende, car sans les intérêts de la dette, payés à des agents économiques privés, cette dette publique n’existerait quasiment pas !

La finance a pris le contrôle sur les États

Alors pourquoi donc depuis 50 ans acceptons nous de payer collectivement des intérêts à des agents économiques qui sont en surplus d’argent ? Si la Banque de France avant l’euro, ou la BCE depuis l’euro, avaient fait des avances sans intérêt, nous ne parlerions pas de ce sujet. La réponse est simple: depuis la fin de Bretton Woods, la finance a pris le contrôle, non seulement sur l’économie, mais aussi sur les États. Les lois sont votées en faveur des usuriers modernes, notamment la loi qui oblige l’État à aller se « prostituer » sur le marché de la dette.

Il faut bien avoir à l’esprit que la finance n’est que la science de l’endettement. Sans dette, les États sont libres, et les usuriers inoffensifs. Plus l’État est endetté, et plus les financiers ont le contrôle sur lui. Depuis 1974, la caste financière qui contrôle la dette de l’État s’est organisée pour avoir un contrôle total sur la banque centrale, les banques commerciales, les multinationales, les médias, et les hautes sphères de l’État.

En contrôlant la dette de l’État, la caste financiarisée contrôle presque tout

En contrôlant la dette de l’État, la caste financiarisée contrôle presque tout, et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il lui reste à s’approprier le business médical et celui de l’éducation, peut-être même nos routes et aéroports. Suite aux dégâts causés par la crise de 2008, la banque centrale européenne contrôlée par le lobby bancaire et financier a décidé d’intervenir sur le marché de la dette pour sauver les États et leurs bourreaux usuriers, tous à l’agonie

Les États ont été pris à la gorge suite à la crise de 2008 provoquée par la cupidité des banques. Ces dernières se sont retrouvées avec des dettes d’États qui pouvaient faire faillite à tout moment. Le système financier menaçait de s’écrouler.

Pour que la musique de ce monde usuraire perdure, la BCE a alors agi directement sur le marché de la dette en délestant les banques des dettes d’États qui risquaient de leur exploser à la figure. Cette opération de sauvetage du monde de la finance n’a bien sûr pas été vendue ainsi. Dans la version officielle, la BCE a agi pour sauver les États, et non pour sauver un monde de la finance empêtré avec des dettes qui risquaient de ne plus rien valoir.

Le monde de la finance a échangé des dettes pourries contre de l’argent frais.

Ainsi, la BCE s’est retrouvée avec 20% de la dette publique de la France. Cette dette a été rachetée grâce à de la monnaie créée de nulle part par la BCE (en tapotant sur un clavier d’ordinateur). Le monde de la finance a donc échangé des dettes pourries contre de l’argent frais. Le mécanisme de sauvetage employé par la BCE présente un désavantage de taille pour les usuriers. Cela entraîne une baisse mécanique des taux d’intérêts qui se sont même retrouvés en territoire négatif !

Peu importe ! Les usuriers ne se font plus de l’argent en endettant les États depuis peu, mais en utilisant l’argent frais offert par la BCE lors du rachat des dettes, pour s’acheter de l’immobilier et des actions pour toucher des loyers et des dividendes ! La « politique monétaire accomodante de la BCE, un euphémisme pour ne pas dire le casse du siècle, a donc créé une bulle immobilière et boursière au profit d’une caste financiarisée qui fut au bord du précipice ! Cette politique est responsable de l’explosion des inégalités.

Notons au passage que les intérêts des usuriers se sont transformés en dividendes et loyers. L’histoire est digne d’un conte de Perrault, avec le monde de la finance dans le rôle de Cendrillon, la BCE dans celui de la fée, les dettes d’États dans celui de la citrouille transformée en carrosse (immobilier et actions), l’État dans le rôle du rat transformé en cocher, et nous tous dans le rôle des souris transformé en chevaux. Comme quoi la finance a une part de magie, voire féerique si on se place du bon côté !

La dette publique est un levier politique puissant pour que les usuriers continuent leur contrôle sur l’État

Maintenant, venons en à la question : faut-il annuler la dette publique détenue par la BCE ? Comprenons bien que cette dette est un contrat qui a changé de mains au moment où il a été racheté par la BCE sur le marché : il n’implique que l’État et la BCE, et personne d’autre ! Donc, si on pense que la BCE travaille dans l’intérêt de l’État et des peuples, cela ne change rien que la BCE annule ou pas cette dette publique. Si on pense que la BCE est contrôlée par le lobby bancaire alors il est évident que la dette publique est un levier politique puissant pour que les usuriers continuent leur contrôle sur l’État. La caste financiarisée n’acceptera jamais de perdre ce contrôle sur l’État !

D’une part pour continuer à prendre le contrôle total sur l’économie grâce aux privatisations des derniers secteurs encore étatiques ou quasi étatiques (éducation, santé, aéroports, routes…). D’autre part pour faire en sorte que la monnaie continue de les servir. Pour y arriver, ils doivent organiser sa rareté quand il s’agit du peuple (plus d’impôts et moins de dépenses publiques), et provoquer son abondance quand il s’agit d’eux via la création monétaire de la BCE.

Les gens que nous mettons malgré nous au pouvoir sont des laquais au service de la caste financiarisée. Ils sont soumis et doivent constamment porter allégeance à leurs maîtres. Tel fut le cas de Bruno Le Maire cette semaine.La question de savoir s’il faut ou pas annuler la dette publique détenue par la BCE est une querelle d’économistes. En réalité, le fond du problème est bien plus profond. C’est une guerre silencieuse que nous mène le monde de la finance.

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