En Amérique latine, l’épouvantail vénézuélien pour dissuader de voter à gauche fait recette


Par Meriem Laribi / RT France

Pour fragiliser le vote à gauche, la droite latino-américaine, bien aidée par certains médias, brandit l’exemple du Venezuela comme «l’échec du socialisme». Un repoussoir qui met la gauche dans l’embarras lors des campagnes électorales. Décryptage.

«Nous ou le Venezuela» : c’est en résumé l’antienne de la droite latino-américaine, tous pays confondus, martelée à souhait pour décrédibiliser la gauche. Dans un continent où le clivage gauche sociale/droite libérale est plus saillant qu’ailleurs, les campagnes électorales sont féroces et les fausses informations se répandent comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Les grands médias, qui comme en Occident sont souvent possédés par les élites, jouent un rôle prépondérant d’orientation politique, généralement à droite.

Haro sur le «castro-chavisme»

La crise économique et politique au Venezuela qui a fait fuir des millions de personnes (5,5 millions selon l’ONU sur une population de 30 millions d’habitants) vers le reste du continent, a permis à la droite d’ériger le pays en épouvantail efficace pour attester de ce qu’elle décrit comme «l’échec du socialisme».

Pour Christophe Ventura, chercheur à l’Iris, depuis l’époque de Hugo Chavez (1999-2013), «le Venezuela a remplacé Cuba» dans cette démarche de stigmatisation de la gauche latino-américaine. L’expression de «castro-chavisme» utilisée par la droite libérale en est l’illustration. «Cela s’inscrit dans la stratégie qui consiste à dire : si vous votez à gauche vous aurez le Venezuela, vous aurez le chaos et l’isolement sur la scène internationale. Cette stratégie est le ciment de l’anticommunisme et sert à mobiliser les élites», poursuit ce spécialiste de l’Amérique latine.

Illustration de ce phénomène en Equateur où, lors de l’élection présidentielle de 2021, le candidat de gauche Andrés Arauz, jeune économiste technocrate choisi par le camp de l’ex-président Rafael Correa (2007-2017), a été assimilé au Venezuela de Maduro. Durant la campagne, des photos de mendiants présentés comme vénézuéliens et arborant des pancartes portant les inscriptions «Votez bien !», «Ne commettez pas les mêmes erreurs que nous», ont fleuri sur les réseaux sociaux. Les corréistes ont accusé la droite d’avoir payé ces pauvres gens pour mener une «campagne sale». Une campagne de dénigrement qui a participé à aboutir à la défaite d’Andrés Arauz le 11 avril, au profit du libéral-conservateur Guillermo Lasso.

Au Mexique aussi, la campagne pour les législatives du 6 juin prochain a vu proliférer sur les réseaux sociaux de fausses informations, notamment sur la thématique du Venezuela. Une rumeur largement diffusée a fait valoir que les Mexicains voteraient en utilisant un dispositif lié à la société de comptage SmartMatic, fondée par des citoyens  vénézuéliens et objet d’accusations de fraude électorale. Or, comme l’a vérifié l’AFP, cette entreprise n’a aucun contrat au Mexique.

Au Pérou également, alors que les sondages donnent le candidat de gauche Pedro Castillo vainqueur au second tour de la présidentielle qui se tient le 6 juin, sa rivale, libérale de droite radicale, Keiko Fujimori, répète à l’envi qu’une arrivée au pouvoir de Castillo équivaudrait à la mise en place du communisme. Et le communisme «est ce qui se passe en ce moment au Venezuela», avance-t-elle, tandis que les Péruviens ont vu débarquer dans leur pays ces dernières années près de 900 000 Vénézuéliens fuyant la pauvreté et la crise.

Un caillou dans la chaussure

Face à ce déferlement d’attaques, de rapprochements et de raccourcis rhétoriques, la gauche latino-américaine est mal à l’aise. «La question vénézuélienne est un sujet de débat et de divergences au sein des gauches latinos», assure Christophe Ventura.

Partagée entre la réalité indéniable du chaos vénézuélien et la nécessité pour elle de défendre la souveraineté de ce pays face à ce qu’elle considère comme des ingérences étasuniennes, la gauche ne peut se désolidariser du Venezuela sans perdre son ADN anti-impérialiste. Dans ces eaux troubles, elle doit alors trouver les bons dosages pour naviguer lors des campagnes électorales. Quand il s’agit de gagner des élections, il lui faut émettre des projets politiques en adéquation avec les attentes des populations soucieuses d’améliorer leurs conditions économiques et sociales précaires, aggravées par la pandémie de Covid-19.

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