La suppression annoncée de l’École nationale d’administration (ENA) par Emmanuel Macron est froidement accueillie par les «ex». Notamment ceux de la promo du président.
Les ex-condisciples d’Emmanuel Macron dans la promo Senghor (2004) s’en étrangleraient presque. « Voir qu’un type qui est passé par l’ENA prend cette décision de la supprimer parce que cette école est contestée par l’opinion, c’est le degré zéro de la politique ! » enrage le député LR Julien Aubert… pourtant « copain » avec le futur président à l’époque.
Issu aussi de la cuvée 2004, Gaspard Gantzer, l’ancien monsieur com’ de François Hollande, est carrément sceptique : « Macron doit considérer qu’avec ou sans l’ENA, il aurait eu le même destin. Mais cela a été un réel accélérateur de carrière pour lui. Il y a un côté : Je referme la porte derrière moi. » Gantzer est pourtant tout sauf un idolâtre de l’institution. Il était même à la pointe de la fronde qui a agité la promo Senghor contre la direction de l’ENA.
« On ne proposait pas la suppression, mais la fin du classement à la sortie. On avait pondu un rapport au vitriol que Macron avait d’ailleurs signé, sans être une des figures de proue de la contestation », se rappelle-t-il avec gourmandise. Découvrir que son ancien condisciple se mue en pourfendeur le plus virulent le laisse pantois. « L’énarchie n’a jamais été aussi puissante. Il a placé quatre de ses camarades de promo à l’Élysée, son secrétaire général est un énarque ; et le Premier ministre et son directeur de cabinet aussi… »
Un tremplin pour «les gens de condition modeste»
Les illustres prédécesseurs de Macron au sein de l’école ne sont guère plus tendres. « Attention à ne pas faire du populisme bon marché », met en garde Aquilino Morelle (promotion Condorcet), ancien conseiller politique de François Hollande, qui conserve un tendre souvenir de son passage puisqu’il y a « rencontré sa femme ». « Ce concours a sûrement des défauts mais il permet à des gens de condition très modeste d’intégrer la haute fonction publique », souligne ce fils d’ouvriers immigrés.
Un creuset républicain vanté également par Ségolène Royal : « J’étais élève boursière, issue d’une famille moyenne de huit enfants en milieu rural. Je n’aurais jamais accédé à la haute fonction publique sans la méritocratie républicaine. » L’ancienne candidate à la présidentielle a tout de même eu du mal à se faire une place au sein de la future élite française : « Certains élèves parisiens bien nés formaient, avec le soutien discret de leurs parents, des groupes de training pour être classés dans les grands corps. Ils y parvenaient. Moi, cela m’était inconnu », se remémore-t-elle.
«C’est un moule qui fabrique des esprits formatés»
L’anecdote en dit long sur le caractère élitiste de l’École nationale d’administration. L’ancien ministre des Finances Michel Sapin déplore ainsi « les défauts en termes de sélection sociale » de l’institution, qui ne cessent de s’accentuer. « Si Emmanuel Macron veut réformer pour plus de diversité, c’est très bien. S’il veut juste supprimer l’ENA, c’est démagogique et populiste », prévient-il. C’est la première option qui tient la corde, à entendre l’ancienne ministre Nathalie Loiseau, qui a dirigé l’école de 2012 à 2017 mais n’en est pas diplômée. « L’ENA a été créée contre l’entre-soi, les corporatismes. Mais, déjà à mon époque, ce n’était plus l’ascenseur social mais l’entonnoir social. L’ambition du président, c’est d’avoir les gens les mieux formés, représentant toute la diversité du pays », s’enthousiasme la tête de liste LREM pour les européennes.