Voici une réponse claire et forte de Viktor Dedaj à ceux qui prétendent que rechercher les causes profondes d’un conflit serait une position « pro-Poutine » et donc « pro-guerre ».
Une guerre ne devient pas une guerre le jour où les médias décident de vous la montrer.
Être anti-guerre, ce n’est pas être simplement contre « la » guerre. Être anti-guerre, ce n’est pas exprimer des positions (plutôt futiles à notre humble niveau) une fois qu’elle a éclaté. Être anti-guerre, c’est vouloir comprendre l’enchaînement des décisions prises par chacun des acteurs qui ont mené à un tel dénouement. Être anti-guerre, ce n’est pas déclarer son opposition à sa forme la plus concrète, évidente, et spectaculaire, mais d’être aussi archi-critique des actions et des logiques économiques et politiques qui l’ont alimenté. C’est tenter d’évaluer la culpabilité respective des acteurs.
Rejeter une telle démarche intellectuelle montre que l’on n’est nullement « anti-guerre », seulement anti cette guerre-là, en particulier. C’est aussi exposer un « angle mort » sur les causes et les autres formes de guerre, économiques, tels que les embargos et blocus, qui peuvent faire, et font souvent, autant de victimes, mais silencieuses (silencieuses, parce que les grands médias en ont décidé). Les centaines de milliers de victimes des sanctions contre l’Irak, pour ne prendre qu’un exemple – et pas des plus récents – en sont la preuve.
Être anti-guerre, c’est s’opposer à toutes les guerres, y compris économiques.
Etre anti-guerre, c’est s’opposer à son expression concrète et aussi aux politiques qui y ont mené.
Le premier responsable d’une guerre est évidemment celui qui l’a déclenché. Le deuxième est celui qui l’a sciemment provoqué, ou manœuvré pour, en créant les conditions dont il savait qu’elles seraient perçues comme un casus belli. Avec – et c’est important – une hiérarchisation des « légitimités » invoquées. Car non, tous les casi bellorum ne se valent pas.
Que les gigantesques États-Unis considèrent comme casus belli l’instauration dans la minuscule Cuba d’un système socio-économique inconvenable n’est pas la même chose que l’installation de missiles nucléaires sous le nez de votre adversaire. Et l’installation de missiles nucléaires sous son nez n’est pas la même chose si lui-même a commencé par en installer sous le votre. (Le résultat final pouvant être difficile à distinguer, on est d’accord).
Il est donc évident, et je n’ai pas l’intention de m’en cacher ni de me justifier, que je « comprends » mieux la position russe que la position occidentale. (Pardon, mais je considère l’Ukraine comme un pion du camp occidental, et la réaction des chancelleries occidentales tend à me conforter dans cette opinion. On dirait qu’elles n’attendaient que ça.)
Il me paraît évident aussi que la diabolisation des Russes pour cet acte d’agression n’est qu’une de ces farces régulières dans lesquelles les médias entraînent les populations hébétées. C’est quoi ça ? Quelle population a déjà été lynchée par les médias occidentaux et sanctionnée par les politiques pour un acte d’agression commis par ses dirigeants ? Et qui en a déjà commis et combien de fois, et qui en commet en ce moment même, et sous quelles formes et avec quelles « excuses » et pour quelles indignations ? Posez les listes côte-à-côte, et on en reparle.
Et il se trouve aussi que, contrairement à d’autres, je m’en cogne et contre-cogne que l’Ukraine se trouve en Europe et que ses habitants soient des blonds aux yeux bleus.
Alors,
Aux Raphaël Glucksmann & consorts…
A tous ceux qui ont trouvé dans cette affaire un exutoire pour leur racisme, leur bellicisme – qui l’eut cru ? – et un casus belli contre la liberté d’opinion et notre droit de savoir…
…Tant que la Tour Eiffel ne sera pas éclairée, ne serait-ce qu’une fois, une seule fois, aux couleurs de la Palestine, du Yémen, du Soudan, de l’Irak ou de [longue liste], je n’ai qu’une réponse : « Fermez-la ».
Viktor Dedaj
Merci, ça fait du bien