Un document classé secret-défense révèle le torpillage par l’exécutif français d’une proposition de rapport parlementaire visant à instaurer un contrôle plus démocratique des exportations d’armes.
Disclose a publié le 7 décembre quelques extraits d’un texte classé secret-défense provenant du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Le document rapporte les entraves mises en place par le gouvernement pour empêcher la création d’une commission parlementaire qui avait pour ambition de rendre plus transparentes les exportations d’armement.
L’exécutif recadre le Parlement
Le 18 novembre dernier, les députés Jacques Maire (LReM) et Michèle Tabarot (LR) publiaient leur rapport parlementaire concernant les ventes d’armes. L’exécutif ne l’a depuis, pas commenté… du moins officiellement ! Une réponse a en réalité été rédigée dans le plus grand secret afin de torpiller le rapport Maire-Tabarot. La note a été transmise dans plusieurs cabinets du ministère avant même la publication du compte-rendu controversé. Elle emporte avec elle les pistes qui auraient pu permettre au Parlement de s’impliquer dans le processus de contrôle des exportations d’armes. Dans sa note, le SGDSN s’inquiète :
« Sous couvert d’un objectif d’une plus grande transparence et d’un meilleur dialogue entre les pouvoirs exécutif et législatif, l’objectif semble bien de contraindre la politique du gouvernement en matière d’exportation en renforçant le contrôle parlementaire »
La transparence nuit aux affaires
Pour s’expliquer, le Secrétariat en question joue la carte du secret-défense. Actuellement, un rapport annuel doit être remis au pouvoir législatif sans révéler le nom des acquéreurs ou l’usage prévu des armes. « Cette implication de parlementaires pourrait mener à une fragilisation du principe du secret de la défense nationale […] ainsi que du secret des affaires et du secret lié aux relations diplomatiques avec nos partenaires stratégiques » explique le SGDSN. Le contrôle parlementaire serait donc nuisible aux affaires ? Pour se défendre, l’exécutif explique qu’en ne répondant pas aux règles de transparence, ils assurent la sécurité des députés. En clair, ces derniers deviendraient« de facto solidaires des décisions prises ». Quel argument de mauvaise foi !
L’exécutif doit « adopter une position ouverte »… mais pas trop quand même
En conclusion, les rédacteurs de la note encouragent l’exécutif à « adopter une position ouverte » sur les propositions du rapport. Et pour ce faire, le texte suggère « de confirmer avec les principaux responsables de l’[Assemblée nationale] » leur opposition à la création d’une délégation parlementaire. En clair, ne voulant pas avoir l’air de refuser le contrôle des exportations d’armes, l’exécutif demande à l’assemblée nationale de s’y opposer à sa place… Voilà une démarche très courageuse et respectueuse de l’indépendance des pouvoirs ! Mais qu’ont-ils tant à cacher ? Quels sont ces contrats sur lesquels le parlement risquerait de tomber ? Tout cela est obscur à tel point que la note propose d’adopter « une ligne de communication » face aux médias et aux ONG. On se demande quelle sera cette « ligne » quand on sait que l’usage final de ces armes se heurte bien souvent au droit international.
« Eaux troubles, bonne pêche » : ce dicton semble fait pour les vendeurs d’armes.
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