Par Chloé Maurel, historienne, auteur de Che Guevara (Ellipses, 2011).
« Je suis resté quarante minutes avant d’exécuter l’ordre. J’ai été voir le colonel Pérez en espérant que l’ordre avait été annulé… » a raconté par la suite Mario Terán, le sergent de l’armée bolivienne qui avait été chargé d’exécuter le Che. C’était le 9 octobre 1967, dans une école abandonnée du village de La Higuera.
Le révolutionnaire argentin Ernesto Guevara, dit le « Che », est en 1967 engagé, sous couvert d’anonymat, dans une guérilla en Bolivie, avec une poignée de fidèles compagnons, en vue d’y faire éclore une révolution, selon sa théorie des « focos » (foyers de révolution).
Mais contrairement à la guérilla qu’il avait menée avec Fidel Castro une dizaine d’années auparavant à Cuba, les conditions sont ici nettement moins favorables. En octobre 1967, il est capturé par l’armée bolivienne. Les militaires boliviens l’emmènent dans une école abandonnée du village de La Higuera. C’est dans ce modeste bâtiment qu’il est exécuté, ce 9 octobre 1967.
« Sois tranquille, et vise bien ! »
Mario Terán, le sergent de l’armée bolivienne qui avait été chargé d’exécuter le Che, a raconté plus tard comment il a vécu ce moment impressionnant et douloureux : « Je suis resté quarante minutes avant d’exécuter l’ordre. J’ai été voir le colonel Pérez en espérant que l’ordre avait été annulé. Mais le colonel est devenu furieux. C’est ainsi que ça s’est passé. Ça a été le pire moment de ma vie. Quand je suis arrivé, le Che était assis sur un banc. Quand il m’a vu il a dit : «Vous êtes venu pour me tuer». Je me suis senti intimidé et j’ai baissé la tête sans répondre. […] À ce moment je voyais un Che grand, très grand, énorme. Ses yeux brillaient intensément. Je sentais qu’il se levait et quand il m’a regardé fixement, j’ai eu la nausée. J’ai pensé qu’avec un mouvement rapide le Che pourrait m’enlever mon arme. « Sois tranquille, me dit-il, et vise bien ! Tu vas tuer un homme !». Alors j’ai reculé d’un pas vers la porte, j’ai fermé les yeux et j’ai tiré une première rafale. Le Che, avec les jambes mutilées, est tombé sur le sol, il se contorsionnait et perdait beaucoup de sang. J’ai retrouvé mes sens et j’ai tiré une deuxième rafale, qui l’a atteint à un bras, à l’épaule et dans le cœur. Il était enfin mort » . Terán était très impressionné étant donné l’immense aura internationale du Che.