La « Loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable » ou « Loi alimentation » a été promulguée le 1er novembre 2018. Elle est issue des États généraux de l’alimentation, ces discussions voulues par Macron entre consommateurs, industriels de l’agroalimentaire, commerces de la grande distribution et pouvoirs publics, afin, officiellement, de rétablir l’équilibre des relations commerciales entre producteurs et grande distribution, et améliorer l’accès des consommateurs aux produits sains. En clair, les agriculteurs allaient pouvoir mieux se rémunérer, sans faire monter les prix en rayon car les marges de la grande distribution allaient baisser. Problème : c’est l’inverse qui s’est produit !
C’est ce que dénoncent l’UFC-Que Choisir dans une étude ainsi que la Confédération paysanne. Initialement, le relèvement de 10% du seuil de revente à perte (SRP) prévu par loi (les supermarchés n’allaient plus pouvoir casser les prix et vendre leurs produits en dessous du prix d’achat + 10%) devait faire baisser la pression sur les producteurs et, combiné à une modération des marges consentie par la grande distribution, permettre d’améliorer la rémunération des agriculteurs. Par ailleurs, la loi promettait « d’inverser la construction du prix », c’est à dire de partir du prix de revient des producteurs pour déterminer le prix en rayon et les marges de chacun. Globalement, la loi devait favoriser les producteurs dans le rapport de force producteur/revendeur. Ça n’a pas marché comme prévu.
Conséquence 1 : inflation
La première conséquence que souligne le rapport de l’UFC-Que Choisir, c’est une hausse soudaine des prix pour les consommateurs d’environ 0,83% entre janvier et février 2019. L’augmentation du seuil de revente à perte n’a pas été compensée par une modération des marges de la part de la grande distribution et s’est répercutée sur les consommateurs. Cette hausse est plus élevée dans les hypermarchés et se concentre sur les produits de grande marque. L’étude calcule que le budget alimentation des ménages va augmenter de 1,6 milliards d’euros.
Conséquence 2 : la pression sur les agriculteurs a augmentée, les marges de la grande distribution aussi
Deux ans après le discours et les promesses de Macron à Rungis, l’étude analyse les secteurs de la viande bovine, de la volaille et du lait et démontre que les prix agricoles ont très légèrement augmenté (voire continué à baisser dans le cas du lait) sans compenser la baisse observée depuis 2013. Les marges de la grande distribution, étant donné la hausse des prix en rayon, continuent de progresser. En clair, la loi n’a pas du tout inversé la rapport de force producteur/distributeur et c’est le consommateur qui paye le prix de la hausse du seuil de revente à perte. L’étude souligne que jamais les prix de revient des agriculteurs n’ont été pris en compte dans les négociations : la grande distribution ne daigne toujours pas en tenir compte dans la fixation des prix agricoles.
Conclusion : il faut changer de paradigme économique et politique
L’UFC-Que Choisir fait un constat qui est pertinent et hautement utile, mais en tire des conclusions trop partielles : il faudrait selon elle davantage de transparence dans les marges, revenir sur la hausse du seuil de revente à perte, etc. Oui, peut-être, mais cela au fond ne changerait rien. Si la réforme n’a pas fonctionné, c’est qu’elle ne s’attaquait pas à la racine du problème : le fait que le politique a cédé le pouvoir décisionnel à l’économique. Il faut donc sortir des dogmes économiques et politiques qu’on nous impose pour entrevoir une solution. Et en effet, plusieurs voies plus radicales se profilent. La première, économique, serait privilégier les circuits-courts en multipliant les points de vente gérés par les producteurs sur des standards proches de la grande distribution, où les producteurs peuvent vendre directement leurs produits aux consommateurs. C’est ce que nous avons observé à Colmar dans l’Est de la France avec le projet « Cœur paysan », qui fonctionne et qui court-circuite la grande distribution. L’autre solution est politique : elle est de comprendre que la source institutionnelle du problème c’est l’Union Européenne qui, à travers les GOPE, impose aux Etats membres une dérégulation totale des marchés dans tous les secteurs, laissant aux multinationales les mains libres pour imposer leurs règles et engendrer un maximum de profits (qu’elles rendent ensuite partiellement aux politiques en leur réservant des places dans leurs conseils d’administration après leur passage au gouvernement). La sacro-sainte « concurrence libre et non-faussée », qui est la colonne vertébrale de l’Union Européenne, aboutie par essence à la destruction des petits au bénéfice des gros. Elle ne mène qu’à la concentration du capital entre les mains de quelques uns. L’Union Européenne, c’est ça. Et c’est de cela qu’il faut sortir.
À tout prix.
C’est le préalable à tout.
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