Âge d’équilibre, durée de cotisation, régimes spéciaux… Les partenaires sociaux sont déjà vent debout contre certaines pistes de la future réforme des retraites et agitent la menace d’un mouvement social d’ampleur. Le Premier ministre doit faire des annonces sur le calendrier et la méthode jeudi matin.
Le calendrier de la réforme des retraites devrait se préciser. Edouard Philippe doit faire des annonces en ce sens jeudi matin à 11 heures à l’occasion d’un discours devant le Conseil économique, social et environnemental (Cese), a fait savoir Matignon. Le Premier ministre prévoit également de donner des détails sur la concertation citoyenne et la méthode choisie pour ce dossier hautement sensible. Ces annonces interviendront après les réunions bilatérales qui ont eu lieu les 5 et 6 septembre. Plusieurs syndicats et organisations professionnelles ont annoncé des journées de mobilisation. Dès le vendredi 13 septembre, les syndicats de la RATP appellent à la défense du régime spécial des agents. Le lundi 16 septembre, ce sera au tour du collectif SOS Retraites composé du Conseil national des barreaux, de Convergence Infirmière, FMF, Le Bloc – Syndicat de médecins spécialistes libéraux, SNPL, SNPNC – FO, Syndicat Alizé, UCDF, UFMLS, UNAC, UNIDEL et UNSA PNC. FO et la CGT prévoient respectivement des rassemblements les 21 et 24 septembre.
Les points de crispation sur la future réforme des retraites sont nombreux. Le haut commissaire, Jean-Paul Delevoye, a dévoilé un rapport présentant des pistes pour un système « universel » de retraite à la mi-juillet, promettant ainsi la disparition des 42 régimes existants, un principe contesté par plusieurs syndicats. D’autres mesures envisagées sont décriées, comme la création d’un âge pivot à 64 ans pour toucher une retraite à taux plein. Objectif affiché, inciter les Français à travailler le plus longtemps possible, afin de garantir l’équilibre financier du futur système de retraite. On fait le point sur tous les sujets qui promettent un mois de septembre bien agité pour l’exécutif.
Âge légal de départ à la retraite et âge d’équilibre
C’est sans aucun doute la piste la plus explosive de la réforme des retraites. Dans son rapport, le haut commissaire suggère de créer un âge d’équilibre à 64 ans pour toucher une retraite à taux plein. En clair, l’âge légal de départ à la retraite resterait fixé à 62 ans, mais votre pension de retraite serait pénalisée par un malus si vous partez à cet âge. Très concrètement, un système de bonus-malus serait mis en oeuvre. Pour rappel, le système de décote/surcote existe déjà pour les pensions de retraite complémentaires de l’Agirc-Arrco actuellement.
Dans son rapport, Jean-Paul Delevoye donne l’exemple de Paolo qui a acquis 30 000 points sur la base d’un salaire égal à 1,5 Smic. Si Paolo décide de partir à la retraite à 62 ans, sa pension de retraite sera affectée par une décote : il touchera 1 238 euros par mois. En revanche, s’il part à l’âge d’équilibre, à 64 ans, il touchera une pension de retraite à taux plein, soit 1 375 euros. Enfin, s’il décale son départ à la retraite à 66 ans, sa pension s’établira à 1 513 euros par mois. L’objectif de l’exécutif est clair : inciter les Français à quitter la vie active le plus tardivement possible. Et pour cause, le gouvernement s’est fixé pour ambition d’assurer l’équilibre financier du futur système « universel ». Or il manque encore 10 milliards d’euros. Côté syndicats, la mesure est très souvent rejetée, car elle est considérée comme un moyen déguisé de décaler l’âge légal de départ, sans prendre en compte les situations individuelles, et en particulier les personnes qui ont commencé à travailler tôt.
Pourtant, sur ce point le rapport Delevoye préconise de conserver le dispositif pour les carrières longues. Pour rappel, il permet à ceux qui ont commencé à travailler avant l’âge de 20 ans de partir à la retraite de manière anticipée dès 60 ans. Le haut-commissaire suggère que, pour eux, la pension de retraite ne soit pas pénalisée par un système de décote. « Un assuré qui part par exemple à 61 ans au titre d’une carrière longue aura ainsi la même valeur de service qu’un assuré partant la même année à 65 ans », peut-on lire dans le rapport. Reste toutefois à savoir quel sera leur niveau effectif de pension de retraite. Et pour les carrières courtes ? Les personnes concernées seront-elles contraintes de travailler plus longtemps comme l’assurent certains syndicats ? Le rapport Delevoye prévoit de créer des points de « solidarité » pour les périodes d’inactivité subies : maternité, maladie, invalidité et chômage indemnisé. Leur valeur serait identique à ceux des points de retraite dits « classique ». Une mesure présentée comme une avancée, car les personnes concernées ne seraient plus contraintes de travailler jusqu’à 67 ans pour toucher une retraite à taux plein comme aujourd’hui. Autre changement majeur, la revalorisation du minimum de pension de retraite à 85% du Smic net. Insuffisant, estiment pourtant certains partenaires sociaux.
Allongement de la durée de cotisation
L’instauration d’un âge d’équilibre à 64 ans est loin de faire l’unanimité, y compris chez les Français. Selon un sondage Elabe pour le quotidien Les Échos, 63% des Français interrogés sont plutôt favorables à un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge de départ à la retraite. Pour rappel, Emmanuel Macron lui-même avait marqué sa préférence pour cette option, plus « juste » selon lui, avait-il indiqué le 26 août dernier au micro de France 2. Pour rappel, la loi Touraine, qui entre en vigueur en 2020, prévoit de porter la durée de cotisation à 172 trimestres, soit 43 ans. Une accélération du calendrier pourrait bien être abordée dans les consultations.
Cette piste ne satisfait pas certains partenaires sociaux. Plusieurs d’entre eux redoutent un effet négatif pour les cadres notamment, qui ont commencé leur carrière plus tard. « [Cette mesure] est défavorable pour tout le monde et pas seulement pour les cadres, je vous fais ce simple calcul : aujourd’hui l’âge moyen d’entrée dans le monde du travail, c’est 22 ans, 43 ans c’est la durée de cotisation qui va s’appliquer à cette population (…) 22 plus 43, ça fait 65, donc déjà dans le dispositif actuel, on est au-delà de l’âge pivot qui était proposé », a détaillé François Hommeril, président de la CFE-CGC au micro de LCI, le 5 septembre.