Peu importe notre intelligence, nous avons tous une tendance naturelle à aller vers les informations qui confortent nos préjugés et nos croyances.
Vous avez sans doute parfois été estomaqué par la crédulité de certains individus envers des informations qui paraissent grotesques à la plupart des gens. Comment par exemple des personnes peuvent-elles encore croire en 2020 que la Terre est plate ? Ces illusions du savoir, bien connues des neuroscientifiques s’inscrivent dans ce que l’on appelle les biais cognitifs. Dans ce cas précis, il s’agit du biais de confirmation.
Le biais de confirmation
En psychologie, le biais de confirmation est la tendance naturelle de chaque être humain à conforter ses propres opinions et ses préjugés en sélectionnant les informations qui vont dans le sens de son mode de pensée. Si l’idée que la Terre est plate donne du crédit à mes croyances religieuses, alors je vais tout faire pour le démontrer, au-delà de la raison. On sélectionnera ainsi les informations que l’on a envie de voir, on ne retiendra uniquement que ce qui va dans notre sens, et on ira parfois même jusqu’à s’inventer des histoires pour appuyer notre propos. Ce phénomène peut même aller jusqu’au déni de notre comportement.
La dissonance cognitive
Comme l’évoque le biologiste Thomas Durand, vidéaste à l’origine de la chaîne youtube La tronche en biais, ces comportements sont liés à un phénomène que l’on appelle « la persistance de la croyance réfutée ». Ainsi, même lorsqu’une information est discréditée, on pourra avoir tendance à se maintenir dans notre croyance de départ. Prenons par exemple le cas d’un écologiste ayant voté pour Emmanuel Macron en pensant qu’il allait défendre la planète. Face à la réalité de la politique anti-environnementale du président, cette personne va se retrouver en situation de dissonance cognitive. Autrement dit, il aura un besoin de cohérence entre son comportement et ses convictions. La première façon de satisfaire ce besoin va être tout simplement d’arrêter de voter Macron. Mais un autre moyen consistera à adopter une forme de déni, et trouver des « raisons de penser ce que l’on pense ».
La volonté absolue d’avoir raison
Car ce comportement est en réalité lié à des questions d’ego et d’estime de soi. « Pour certaines personnes, il peut être très humiliant d’admettre qu’on a tort, qu’on a eu tort ou même que l’on a été trompé », explique Thomas Durand. « Plus nous avons défendu avec force une opinion de manière publique, plus l’humiliation est cuisante » poursuit-il. Il devient alors très difficile de revenir sur son point de vue ou de remettre en cause des théories que l’on a défendues de tout son cœur.
La politique, un sujet particulièrement sensible
En politique, on est ainsi très souvent incapable de remettre en cause notre jugement sur une personnalité que l’on a défendue ou attaqué. Et ce phénomène peut très vite tourner à l’idolâtrie, comme on a pu le constater par exemple avec les cas Donald Trump, Jair Bolsonaro ou encore Alain Soral. Pour certains, peu importe leurs actes et leurs paroles, ils seront toujours jugés positifs car ces personnalités ont été établies comme « anti-système ». Or une personne se définissant elle-même comme anti-système cherchera à voir chacun des actes de ses « champions » comme le prolongement de sa propre pensée. Et le raisonnement s’applique exactement de la même façon aux soutiens du président français ; la mauvaise foi des membres du gouvernement pour défendre le chef de l’État l’illustre d’ailleurs parfaitement.
On ne débat plus pour la vérité, mais pour avoir raison
Le problème c’est qu’en agissant ainsi on s’éloigne toujours un peu plus de la vérité et que notre capacité à comprendre le monde s’en trouve réduite. « Nous défendons une thèse, pas parce qu’elle est vraie, mais parce que c’est la nôtre » explique Thomas Durand. Un mode de pensée qui a d’ailleurs tendance à véroler tout débat politique, où avoir raison est devenu plus important que dire la vérité.
Le coronavirus terreau parfait du biais de confirmation
Ce biais de confirmation représente ainsi un terreau fertile pour la prolifération de fausses nouvelles. Si l’on déteste Emmanuel Macron et que l’on est informé d’un mauvais comportement de sa part, notre tendance naturelle sera plutôt de croire cette information sans même la vérifier. Il en va de même sur la covid-19 ; si l’on croit profondément que le système nous manipule, on aura tendance à tout voir à travers ce prisme. Certaines personnes en arrivent ainsi à nier l’existence de la maladie malgré les milliers de témoignages affirmant le contraire. De cette manière, afin de sauvegarder notre point de vue, nous nous créons une réalité alternative.
La réalité n’est pas binaire
Le piège c’est que la réalité n’est pas binaire. On sait par exemple que l’ensemble des grands médias appartiennent à des milliardaires et qu’ils défendent une tendance dominante. Il n’est pas pour autant pertinent de considérer que tout ce qui en provient est nécessairement faux. Si BFM affirme que Paris est en France, doit-on affirmer que la ville est en Allemagne ? De même, les informations sur des réseaux sociaux ou les médias alternatifs doivent être étudiées avec la même prudence. Il est aussi délirant de voir des complots partout que de n’en voir nulle part !
La nécessité de l’esprit critique
Au final, tout le monde est victime du biais de confirmation. Et pour y faire face il convient de croiser différentes sources et particulièrement de se confronter aux avis contraires au nôtre. En s’interrogeant ainsi sur nos propres opinions nous pouvons adopter une démarche scientifique sur l’information, par exemple en essayant de prouver qu’elle est fausse. Car sans preuve, une nouvelle repose alors uniquement sur la croyance qui n’est pas nécessairement en phase avec la réalité. Un processus que l’on appelle l’esprit critique, et certains auraient bien besoin d’en faire montre…
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