« Renforcer la confiance en l’institution judiciaire » est un objectif louable. Encore faudrait-il s’accorder sur le constat de la défiance vis-à-vis de la justice française pour espérer y remédier.
« Renforcer la confiance en l’institution judiciaire », comme se propose le projet de loi porté par le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti est un objectif louable. Encore faudrait-il s’accorder sur le constat de la défiance vis-à-vis de la justice française pour espérer y remédier.
À lire le texte présenté en Conseil des ministres, pour restaurer cette confiance on croirait que l’urgence consisterait à filmer les audiences, supprimer progressivement les cours d’assises, proclamer la fin des crédits de réduction de peine en détention.
Étrange réponse, à vrai dire, à la question posée. Étrange volonté, surtout, d’écarter les évidences les plus massives sur ce sujet.
LENTEUR ET INEFFICACITÉ
Première évidence : la défiance ne résulte pas de l’absence de caméras dans les prétoires, mais de la lenteur et de l’inefficacité de la justice française dans la totalité de ses champs d’intervention. Quelle confiance dans la justice si les suspects ne sont pas poursuivis faute de moyens, si les mineurs délinquants sont jugés à l’âge de 22 ans, si les victimes d’accidents de voiture sont indemnisées plus de 15 ans après les faits ?
À cet égard, il faudra rappeler une fois de plus la réalité, connue et reconnue en France et partout en Europe, de
la sous-dotation budgétaire de la justice française.
Selon le Conseil de l’Europe :
La France affiche le plus petit nombre de procureurs en Europe ou presque (3 pour 100 000 habitants), ces derniers devant, malgré tout, gérer un nombre très élevé d’affaires (6,6 pour 100 habitants) et exercer un nombre record de fonctions (Rapport de la CEPEJ 2020).
Les faits sont têtus : une justice clochardisée ne peut pas, faute d’efficacité, inspirer confiance.
UN MANQUE D’INDÉPENDANCE
Deuxième évidence. La défiance naît du manque d’indépendance de la justice, du fait de la subordination hiérarchique du ministère public au pouvoir exécutif. Tant que ce lien sera maintenu, les choix de la justice dans les affaires impliquant les notables du monde politique, économique et médiatique resteront entachés de soupçon et objet de défiance.
Il n’est plus admissible que la justice puisse être soupçonnée de se livrer à des procès politiques émanant de cabinets noirs, dès lors qu’un politique est impliqué (François Fillon, Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy, Jean-Luc Mélenchon…). Ces critiques récurrentes – si grotesques ou opportunistes soient-elles – portent régulièrement atteinte au crédit de la justice.