Trois centres hospitaliers fermés, près de 500 lits et 900 emplois en moins. C’est ce qui attend le nord de l’Essonne, en Île-de-France. À la place, un hôpital « innovant » devrait voir le jour sur le plateau de Saclay. Soignants, chercheurs, militants et habitants s’attendent au pire. Le BTP est enchanté, les habitants et les écolos, beaucoup moins.
À l’hôpital d’Orsay, on nage en plein dans la seconde vague. « Il manque des dizaines d’agents ! » déplore Nathalie Le Méné, aide-soignante et membre de la CGT. Infirmières, sages-femmes, médecins, aides-soignantes, administratifs… Sur les trois hôpitaux franciliens d’Orsay, Juvisy-sur-Orge et Longjumeau, la CGT compte plus de deux cents personnels manquants. « Burn-out, arrêts maladie, agents non remplacés, des renforts en moins… la situation est pire qu’il y a six mois ! »
En Essonne, le « quoiqu’il en coûte » du Président semble bien loin. Depuis mars, vingt-cinq lits de médecine ont été supprimés à Juvisy, cinquante-cinq depuis 2019. « Ces lits sont essentiels pour prendre en charge les malades Covid passés en réa », explique Céline Letellier, infirmière à Orsay, à la CGT également. Comme partout en Île-de-France, l’Agence régionale de santé (ARS) demande que le Groupement hospitalier Nord-Essonne (GHNE) contribue à l’effort de guerre : il faut trouver deux mille lits sur la région. « C’est impossible ici, alors notre direction ferme l’ambulatoire et la chirurgie à Orsay pour gagner une vingtaine de lits Covid. On doute fortement que ces services soient réouverts après la crise », craint l’aide-soignante.
Les inquiétudes des soignantes sont fondées : il est prévu que les trois centres hospitaliers ferment pour 2024. Près de 500 lits et 900 emplois doivent être liquidés : c’est à ce jour la plus grosse suppression de lits prévue sur le territoire. Tout a commencé à Juvisy en 2009 : fermeture de la maternité puis du bloc opératoire. Longjumeau et Juvisy ont ensuite fusionné, et ont absorbé Orsay en 2018 pour former le GHNE. Cela a permis la réduction du personnel administratif, désormais centralisé à Longjumeau. « C’est devenu très compliqué de joindre nos cadres sup’ », dit Céline. À Orsay, les urgences pédiatriques viennent de fermer. Les services médecine et chirurgie ont perdu une infirmière de nuit chacun. En psychiatrie aussi un poste d’infirmier a été supprimé. Le personnel est en sous-effectif et des situations dégénèrent. « On a un collègue qui a été agressé et c’est un malade qui a donné l’alerte ! » désespère Nathalie.
Pourquoi maintenir ces fermetures en plein Covid ? La justification se trouve à quelques kilomètres, sur le plateau de Saclay : un hôpital high-tech devrait y voir le jour d’ici 2024. Laboratoires, universités et entreprises ont déjà été déplacés sur ce territoire de 7.700 hectares. Cet hôpital va devenir un élément de la French Silicon Valley, rêvée par nos dirigeants nationaux.