Joli symbole. Un an jour pour jour après le discours d’Edouard Philippe à Eaubonne , pour impulser la « transformation de notre système de santé », Agnès Buzyn présente ce mercredi en Conseil des ministres son projet de loi. Il doit mettre en musique la stratégie définie le 18 septembre par Emmanuel Macron . Axée sur la structuration de l’offre de soins de proximité et la redéfinition de la carte hospitalière, ce grand chantier avait alors été plutôt bien accueilli par les professionnels du secteur, convaincus de la nécessité de réformer vite et de façon consensuelle.
A présent, certains font grise mine. Les jeunes médecins, derrière le syndicat ReAGJIR, s’offusquent de ne rien trouver dans ce texte concernant les débuts de carrière médicale. Frédéric Valletoux, à la Fédération hospitalière de France, soupçonne la technocratie de s’être emparée d’un beau projet pour le passer « à la moulinette » : « La promesse de transformation du système de santé ne saute pas aux yeux, c’est un projet beaucoup trop hospitalo-centré », déchante-t-il.
« Nous sommes inquiets, car ce projet de loi, s’il regarde dans le bon sens, manque de précision et renvoie hors du débat parlementaire de trop nombreux sujets », renchérit le président de l’Ordre des médecins, Patrick Bouet.
Un texte resserré et urgent
Cette relative déception a beaucoup à voir avec l’urgence dans laquelle le projet de loi a été conçu. Pour permettre de réformer les études médicales dès la rentrée 2019, il fallait avancer très vite. L’administration a rédigé un texte resserré de 23 articles. Il arrivera à l’Assemblée nationale en commission des Affaires sociales dès le 12 mars.
Comme pour relativiser l’importance de ce texte, Agnès Buzyn a déclaré qu’elle ne voulait surtout pas qu’il porte son nom. Et de fait, une grande partie de la transformation du système de santé va se passer en dehors de cette loi après une concertation sur chaque sujet avec les acteurs du secteur.
Deux négociations conventionnelles sont en cours. Premièrement, en vue d’un accord interprofessionnel pour définir le rôle et le financement des futures communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), auxquelles tous les médecins libéraux devront à terme adhérer. Deuxièmement, pour aboutir un avenant à la convention médicale permettant de recruter des « assistants médicaux ». La discussion entre les syndicats de médecins et l’Assurance-maladie est d’ailleurs orageuse, cette dernière étant accusée de pousser au « productivisme ».
Des hôpitaux de proximité encore flous
Tout aussi capitales seront les six ordonnances qui vont pouvoir être prises par le gouvernement, suite au vote de ce projet de loi santé, qui est aussi un texte d’habilitation. La recertification des médecins, la création du statut unique de praticien hospitalier titulaire, le baptême des « hôpitaux de proximité » : aucun de ces textes n’est encore connu.
Au cabinet d’Agnès Buzyn, on ne s’avance ni sur le nombre d’hôpitaux de proximité, ni sur le montant des financements supplémentaires qui leur seront accordés au cours des prochaines années. « Pourront-ils avoir un plateau de radiologie, de biologie ; le privé pourra-t-il en gérer et dans ce cas quelles seront les obligations de service public : on ne sait rien », regrette Frédéric Valletoux, qui aurait aimé que le gouvernement propose tous les textes simultanément afin de « mesurer la cohérence et l’efficacité » de la réforme.