« On va redévelopper le fret ferroviaire massivement. On va redévelopper les trains de nuit, là aussi, on va redévelopper les petites lignes de train parce que tout ça, ça permet de faire des économies et ça permet de réduire nos émissions. » Lors de l’interview télévisée du 14 juillet, le chef de l’État a présenté un discours étonnement volontariste sur l’avenir du transport ferroviaire. Moins de deux semaines plus tard, celui-ci a été suivi de nouvelles annonces de la part du Premier Ministre Jean Castex qui a énuméré les actions en faveur du fret ferroviaire. Enfin, le récent plan de relance économique du gouvernement a annoncé le 3 septembre dernier le chiffre de 4,7 milliards d’euros d’investissement. L’exécutif serait-il soudainement devenu ferrovipathe ?
La relation entre le rail et l’Elysée a débuté sur un coup de force. Le rapport Spinetta, en février 2018, décrivait les petites lignes comme « héritées d’un temps révolu » et préconisait leur fermeture. Quelques mois plus tard, le gouvernement a engagé une grande réforme du rail avec la Loi pour un Nouveau Pacte Ferroviaire. Transformation de la SNCF en Société Anonyme, filialisation du fret, fin du statut de cheminot, concurrence : la « modernisation » promise ressemble alors à une destruction en règle du service public ferroviaire.
Malgré une grève massive et historique des cheminots, la réforme a été adoptée le 27 juin 2018, au grand dam des syndicats et de l’intérêt des usagers. Un an plus tard, c’est la fermeture de la ligne de fret Perpignan-Rungis qui marque un nouveau coup, symbolique, contre le ferroviaire. Malgré les promesses de réouverture de la ligne par le gouvernement en novembre 2019, puis en décembre, et maintenant à l’automne 2020, les wagons sont toujours à l’arrêt.
En décembre 2019, la Loi d’Orientation des Mobilités, présentée par le Gouvernement, affiche comme objectifs ambitieux de « Sortir de la dépendance automobile », « d’accélérer la croissance des nouvelles mobilités », de « réussir la transition écologique » et de « programmer les investissements dans les infrastructures de transports ». Dans le secteur ferroviaire, les mesures proposées sont pourtant loin de renverser la table. La loi prévoit que seulement 49 % des investissements dans les infrastructures soient alloués au rail, le reste pour le routier. Le Gouvernement en profite également pour mettre à l’arrêt la plupart des grands travaux sur le réseau. Pourtant, depuis les annonces de l’été, les chantiers du fret, des trains de nuit et des infrastructures semblent s’organiser. Que peut-on en attendre ?
AU FRET, RIEN DE NOUVEAU
Selon l’INSEE, en 1984 le fret français transportait 57,7 milliards de tonnes-kilomètres contre 32 milliards de tonnes-kilomètres en 2018. De 30 % de marchandises transportées par le rail en 1984, la part du ferroviaire s’effondre à 18 % dix ans plus tard, jusqu’à atteindre 9 % en 2018. En 34 ans la part du ferroviaire dans le transport de marchandises diminue donc de plus de 70 %.
Si dans l’ensemble de l’Europe la situation est assez inquiétante, le sort de la France est plus dramatique que celui de ses voisins. Les données d’Eurostat nous permettent d’apprécier cette évolution à l’échelle européenne. En Allemagne, le trafic de fret ferroviaire a connu une hausse de 50 % entre 2003 et 2018. La dynamique est aussi positive en Autriche, en Suède et de manière plus nuancée en Italie. Si l’Espagne et le Royaume Uni ont, comme la France, vu une diminution de leurs volumes transportés par le fret ferroviaire (environ -10 % pour les deux premiers depuis 2003), seule la France connaît une chute si importante.
Alors que les trafics allemands et français étaient équivalents dans les années 1990, le trafic français est aujourd’hui quatre fois inférieur à celui Outre-Rhin. Enfin, alors que la part moyenne du fret ferroviaire dans le transport de marchandises en Europe est de 18 %, cette même valeur se situe aujourd’hui en France dix points en deçà, c’est à dire à 9 %.
Trois éléments permettent habituellement d’expliquer cette situation : la désindustrialisation, le manque de connexions entre les infrastructures portuaires et ferroviaires et la concurrence de la route. Le routier présente en effet de nombreux avantages pour les entreprises : fiable, peu coûteux, les transporteurs y bénéficient également d’un réseau très dense permettant de desservir directement tout le pays. De plus, l’arrivée d’entreprises de transport routier d’autres États membres de l’Union Européenne permet aux transporteurs d’utiliser de la main d’œuvre étrangère avec des prétentions et des droits salariaux moindres que ceux attendus normalement en France.
Pourtant ces différents facteurs n’expliquent pas l’ensemble du déclin du fret ferroviaire. La situation dans le reste de l’Europe montre que malgré la désindustrialisation et l’émergence du transport routier, le fret ferroviaire peut persister et avec une part de marché plus importante que celle que nous connaissons en France. De plus, le fret ferroviaire est aujourd’hui moins coûteux que le transport par camion sur les longues distances. Un kilomètre avec un camion de 40 tonnes coûtait ainsi 1,20€ en 2007 contre 0,51€ pour un train de 1800 tonnes ramené au même poids.
C’est dans la libéralisation et la mise en concurrence du fret ferroviaire que l’on trouve une autre source de ce déclin. De la séparation entre le gestionnaire des lignes et le transporteur en 1991 à la mise en concurrence du fret en 2004, l’Union Européenne a mené la chasse aux financements publics du fret. Les subventions des États aux activités fret ont été interdites et la chasse aux subventions croisées a mené à ce que les postes, alors mutualisés, soient dissociés. Les transporteurs privés ont alors pris en charge les trains massifs, plus rentables, laissant le marché des wagons isolés à Fret SNCF. Alors que le fret embauchait encore plus de 10 000 cheminots avant l’ouverture à la concurrence en 2005, il en reste aujourd’hui moins de 5000.
Soyons patients! S’il a un jour le temps de s’en occuper! Entre le terrorisme, le Covid et tous les ennuis que lui procure sa fonction de Président, il lui reste peu de temps pour réfléchir au ferroviaire et comme il veut s’occuper de tout… Dans un an 1/2 il quittera certainement la présidence. Il va pouvoir enfin prendre des vacances. Dommage! car à part l’histoire des masques….