Audiences filmées, réductions de peines… : la « réforme » de Dupond-Moretti vivement contestée par le monde judiciaire


Beaucoup de vent brassé, mais l'essentiel (davantage de moyens) n'est pas là

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La Justice a une « marge de progression », nul ne dira le contraire. Lenteurs, procédures kafkaïennes, manque de moyens et peines non-applicables (et parfois soumission au pouvoir exécutif, mais c’est un autre sujet) : d’un bout à l’autre de la chaîne judiciaire, une remise en ordre s’impose, ainsi que beaucoup (beaucoup) de moyens supplémentaires. La réforme d’Éric Dupond-Moretti répondra t-elle aux immenses attentes en la matière ? Non. Si l’idée de filmer les audiences est très bonne, elle est l’arbre qui cache le manque de forêt : le reste semble faible, voire faiblard. C’est en tout cas l’avis de la majorité des magistrats et des avocats de France. Le projet de loi sera présenté ce 14 avril en Conseil des ministres. Tour d’horizon.

La profession ainsi que les syndicats de la magistrature s’opposent vivement au projet présenté par le ministre de la Justice. L’ancien avocat a déjà révélé quelques grandes lignes de son projet au micro de France Inter. Audiences filmées, encadrement des enquêtes préliminaires, renforcement du secret professionnel, autant de « directives » visant à « établir la confiance du citoyen dans la justice ».

Un accueil glacial

La réforme du garde des Sceaux a reçu un accueil glacial dans le milieu judiciaire. Et pour cause, les organisations syndicales reprochent au ministre d’avoir soumis ce texte au Conseil d’État sans les avoir consulté au préalable. Et le fond ne vaut pas mieux que la forme ! Qualifié de « fourre-tout » les syndicats de magistrats rejettent en bloc le projet de loi. Katia Dubreuil, la présidente du Syndicat de la magistrature déplore « la poursuite de la logique gestionnaire de la Chancellerie pour juger plus avec moins ». Les magistrats regrettent en effet que les problèmes soient pris à l’envers. Par exemple, la durée des enquêtes préliminaires se limiterait à deux ans. Ludovic Friat, secrétaire général de l’Union syndical des magistrats, assure pourtant que certains cas particuliers plus longs (seulement 3% des cas) sont dû à un « manque de moyen de police judiciaire et parce que les enquêtes politico-financières notamment demandent du temps ». Déployer plus de moyens semblerait donc plus judicieux que de définir une durée arbitraire d’enquête pour gagner « la confiance du citoyen », à moins que ce ne soit pas le réel objectif…

« On n’a pas assez de juges ! »

La réforme annoncée de la cour d’assises suscite également la critique des magistrats. Dupond-Moretti souhaite effectivement rétablir la « minorité de faveur » supprimée en 2011. Sept jurés au lieu de six siégeront aux côtés des trois magistrats professionnels, afin de renforcer leur poids. Le texte prévoit aussi la possibilité pour des avocats honoraires de moins de 75 ans de siéger dans les cours d’assises et les cours criminelles départementales, qui se verront généralisées. Ces mesures reflètent « la faillite matérielle de la justice […] On n’a pas assez de juges ! » confie Ludovic Friat. Le Conseil national des barreaux, représentant les 70.000 avocats français, s’est également opposé à cette présence d’avocats honoraires.

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Les juges redoutent une charge de travail plus importante

À la surprise générale, le garde des Sceaux souhaite également toucher à l’exécution de peines. Les crédits « automatiques » de réductions de peines seraient supprimés pour « inciter à l’effort » les détenus, explique le ministre. Une mesure qui alourdira la charge de travail des juges d’application des peines, alors que la précédente réforme de l’ex-ministre Nicole Belloubet est entrée en vigueur il y a à peine un an. « On est dans la réforme permanente » alerte Jacques Boulard, premier président de la cours d’appel de Toulouse. « On est à bout. On n’a pas fini d’ingurgiter toutes les réformes qui nous sont tombées sur le coin du museau depuis le début du quinquennat. » déplore le secrétaire général de l’Unsa-Services judicaires, Hervé Bonglet.

Réformer pour réformer, pas sûr que cette méthode suffise à masquer la vacuité de la politique Macronienne… et l’énorme problème de moyens qui frappe la justice, comme le reste du service public !

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