Élections américaines 2020 : Joe Biden ou Bernie Sanders pour affronter Donald Trump ?


L'investiture Démocrate se résume désormais à un duel


Cela n’aura pas trainé ! En un mois, la primaire Démocrates, pour désigner le candidat qui affrontera Donald Trump en novembre prochain, a perdu bon nombre de ses candidats pour se résumer aujourd’hui à un duel entre Joe Biden et Bernie Sanders. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs idées ? Qui sont leurs alliés ? Le point sur la situation, avant un nouveau tour de vote (« Super Tuesday ») ce mardi, qui pourrait être décisif. 

La campagne Démocrates a débuté en février et doit se poursuivre jusqu’en Juin pour désigner le candidat Démocrates qui affrontera le Républicain et actuel Président des USA Donald Trump. Durant ces cinq mois, l’ensemble des habitants de la cinquantaine d’États des États-Unis sont appelés aux urnes, selon un calendrier établi, afin de choisir le candidat officiel du parti d’opposition au Président en exercice.

Quatre jours après un « premier » Super Tuesday (où une dizaine d’États votaient simultanément) qui a entièrement rebattu les cartes de cette primaire, une nouvelle campagne débute pour Joe Biden et Bernie Sanders. La primaire Démocrates est en effet désormais réduite à un duel entre les deux septuagénaires aux positionnements assez éloignés. Les deux hommes ont rendez-vous mardi pour un nouveau Super Tuesday, au cours duquel six États-clés vont encore voter.

Le phénix Joe Biden : dans la lignée d’Obama

C’est comme cela que la presse américaine a surnommé l’ancien vice-président de Barack Obama, qui connait une véritable renaissance dans cette campagne. Il y a une semaine, grand nombre de spécialistes et d’analystes le donnait pourtant perdant, après un début de campagne morose, où il n’avait pas réussit à émerger des premiers États votant. Mais ce mardi 3 mars, les habitants de quatorze États étaient appelés à voter. Joe Biden en a ainsi remporté dix (parmi lesquels la Caroline du Nord, le Texas ou encore le Minnesota), Bernie Sanders remportant les quatre autres (dont la Californie, et le Colorado). Le nombre de délégués total attribués par les scrutins passés n’est néanmoins pas encore connu, mais il pourrait placer les deux candidats aux coudes à coudes.

Joe Biden, 77 ans, s’est adressé à ses partisans dans le Missouri, l’un des six États (avec Idaho, Michigan, Mississippi, Dakota du Nord et Washington) qui voteront mardi, une semaine après le grand renversement du précédent Super Tuesday. « Qu’est-ce que les choses peuvent changer en une semaine! […] Il y a tout juste une semaine, j’étais en Caroline du Sud et les médias et les analystes avaient enterré ma campagne » a-t-il lancé. « Mais la Caroline du Sud avait son mot à dire là-dessus. Puis le Super Tuesday est passé par là. Et nous avons aujourd’hui 11 victoires en poche, et sommes devant en termes de délégués et de nombre de voix », a-t-il poursuivi, revanchard.

Autre dynamique très positive pour lui, les ralliements récents d’anciens candidats à ces primaires : Pete Buttigieg (vainqueur surprise du premier vote dans l’Iowa et qui a d’ores et déjà négocié un poste dans l’administration Biden s’il était élu), Amy Klobuchar et bien sûr le milliardaire et candidat éphémère Michael Bloomberg. Biden s’est logiquement dit le plus à même de rassembler le parti démocrate, promettant de ne pas faire de cette primaire une campagne d’attaques. « Ce serait le meilleur moyen de faire réélire Donald Trump », a-t-il prévenu.

Michael Bloomberg, le milliardaire qui voulait acheter l’élection présidentielle américaine

Bernie Sanders, classé plus à gauche, concentre lui aussi ses attaques sur Trump

Bernie Sanders, 78 ans, était de son côté à Chicago, dans l’Etat de l’Illinois, qui ne votera que le 17 mars dans la primaire. Il s’en est pris davantage à Donald Trump, le qualifiant de « président le plus dangereux de l’histoire récente des Etats-Unis ». Le socialiste autoproclamé (« socialiste » étant un terme très connoté à gauche aux USA), a aussi parlé du président comme d’un « un menteur pathologique ». 

Il n’a toutefois pas manqué de tacler son désormais rival unique, notamment sur le soutien de Biden à l’intervention militaire américaine en Irak. « Joe Biden est un ami, je le connais depuis longtemps, mais nos bilans parlent pour nous, nous avons une vision différente et les Américains vont en entendre parler » a déclaré le candidat. Avant de continuer : « maintenant que la primaire se résume à deux personnes, il est important pour les Américains de comprendre ce qui nous différencie. »

Sanders a toutefois « oublié » la parlementaire Tulsi Gabbard, toujours en course, mais qui n’a plus aucune chance d’obtenir l’investiture. Quant à Elizabeth Warren, qui s’est elle aussi retirée de la course, elle n’a pas annoncé de ralliement, malgré des positions plus proches de celles de Sanders.

Deux candidats démocrates aux antipodes l’un de l’autre

Au niveau de leurs positions respectives, si les deux candidats ont deux projets et deux visions largement différentes. D’un côté, Joe Biden, le candidat dit « centriste », décrit comme modéré, le préféré de la direction du Parti démocrate. De l’autre, Bernie Sanders, candidat indépendant, à gauche, social-démocrate, qui propose de larges réformes.

Les États-Unis sont encore aujourd’hui, et plus que jamais, une société très inégalitaire. Par exemple, dans le domaine de la santé, les coûts ont été multipliés par quatre en 20 ans. Sur une population de 330 millions, on compte 28 millions d’Américains qui n’ont pas d’assurance maladie et 44 millions de personnes qui ne sont pas suffisamment assurées. Bernie Sanders entend mettre en place une assurance maladie universelle pour tous et permettre l’importation de médicaments moins chers et réduire la durée des brevets pharmaceutiques afin de favoriser les génériques à moindre coût. Davantage focalisé sur la finance, Joe Biden propose par exemple de hausser l’impôt sur les revenus en capital de plus de 1 million de dollars, de hausser également l’impôt sur les sociétés et le salaire minimum fédéral à 15 dollars de l’heure.

Le projet de Bernie Sanders est ambitieux. Il propose des réformes qui pourraient coûter de 50.000 à 60.000 milliards de dollars sur dix ans, mais promet d’améliorer la santé (avec notamment une sécurité sociale à l’européenne), l’éducation, la qualité de vie des Américains et de réduire les inégalités. Joe Biden a donné peu d’informations sur le coût de ses mesures et sur les revenus qu’il prévoit générer. En revanche, il envoie clairement des signaux en direction d’une politique de restrictions budgétaires, le déficit budgétaire annuel atteignant 1.000 milliards de dollars par an.

Au niveau international, Joe Biden a marqué son soutien envers l’AIPAC, ou l’American Israël Public Affairs Committee, un lobby créé en 1951 aux États-Unis visant à soutenir Israël. Bernie Sanders s’est lui en revanche placé en faveur d’une cohabitation entre Israel et Palestine et il a par ailleurs boycotté l’AIPAC qui l’a en retour traité de « menteur fou ». Autre projet qui pourrait impacter la France, celui d’un vaste plan écologique souhaité par le sénateur du Vermont. Avec son Green New Deal, Sanders espère sortir les USA des énergies fossiles et faire du pays la première puissance écologique au monde.

Trump se méfie davantage de Biden

Est-ce le fait que Biden apparaisse désormais comme le favoris à cette investiture ? Ou bien le fait que Trump préfère affronter un candidat classé très à gauche ? Sans doute un peu des deux, mais l’actuel président ne s’en cache pas : il entend mener une campagne très agressive contre Joe Biden, en mettant en doute ses capacités intellectuelles et en l’accusant de corruption. Le milliardaire républicain surnomme d’ailleurs Biden « Sleepy Joe » ou « Joe l’endormi ». Le duel entre le président de 73 ans et l’ancien vice-président, s’il a lieu, pourrait être d’une agressivité inouïe. La réaction de Donald Trump à l’excellente soirée de Joe Biden lors du « Super Tuesday » a donné un avant-goût de la bagarre à venir.

S’il a félicité « Joe » pour son incroyable come-back (retour en grâce), le président a aussi laissé entendre, comme il le fait depuis des semaines, que s’il arrivait au pouvoir, il ne serait qu’une marionnette dirigée en coulisses par des représentants de la gauche radicale. Donald Trump l’a dit sur tous les tons: il préférerait voir le sénateur du Vermont Bernie Sanders sortir vainqueur des primaires démocrates. « Je m’étais préparé à affronter Bernie, j’étais prêt », a-t-il expliqué jeudi soir, soulignant, amusé, qu’il aurait brandi le mot « communiste » à la moindre occasion. « Et puis cette histoire folle a eu lieu », a-t-il ajouté, évoquant le retour de Joe Biden. Et de conclure : « Je pense que cela va être difficile pour (Sanders) de revenir ».

Rappelons pour finir, que Trump semble avoir une crainte particulière de Joe Biden. Le fils de ce dernier étant à l’origine de la procédure de destitution qui a frappé le président ces dernières semaines. Trump avait tenté de déstabiliser Biden fin 2019, en demandant à l’Ukraine d’enquêter sur son fils, Hunter Biden. Ce dernier fut administrateur du groupe gazier Burisma du temps où son père était vice-président. Mais un lanceur d’alerte s’en était mêlé et l’affaire avait pris une tournure que le magnat de l’immobilier n’avait pas anticipé. Donald Trump a récolté une procédure en destitution. Mis en accusation par la Chambre des représentants, dominée par les démocrates, il a été acquitté par le Sénat, à majorité républicaine. L’affaire risque de revenir en boucle dans la campagne, si le duel final Biden-Trump avait lieu.

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