Le candidat de droite a largement battu Sandra Torres pour succéder à Jimmy Morales à la tête d’un pays marqué par la corruption, la misère et la violence.
Le candidat de droite Alejandro Giammattei a été élu dimanche 11 août à la présidence du Guatemala, a annoncé le tribunal électoral en faisant état de résultats préliminaires « notoirement irréversibles ».
Avec 99 % des bulletins dépouillés, le docteur Giammattei était crédité de 57,9 % des suffrages, selon le décompte communiqué par le Tribunal suprême électoral (TSE). Le parti de son adversaire sociale-démocrate Sandra Torres a reconnu sa défaite.
Alejandro Giammattei a promis de combattre les criminels et les trafiquants de drogue à coup de « testostérone », et de rétablir la peine de mort. Comme son adversaire, il s’est aussi prononcé contre le mariage homosexuel et la légalisation de l’avortement.
Se déplaçant à l’aide de béquilles en raison d’une maladie vieille de quarante ans, le médecin conservateur en est à sa quatrième candidature depuis 2007, à chaque fois pour des partis différents. Elu cette fois sous les couleurs du parti de droite Vamos (Allons-y), M. Giammattei est redouté pour ses colères intempestives et incontrôlables.
Incarcéré pendant dix mois
Ancien directeur de l’administration pénitentiaire, il a lui-même connu la prison pendant dix mois en 2010. Accusé dans une affaire d’exécution extrajudiciaire de huit détenus en 2006, il a été libéré faute de preuves mais il est resté, dit-il, profondément marqué par cette expérience d’incarcération.
Le scrutin de dimanche a été marqué par une forte abstention, de plus de 58 %, selon les résultats préliminaires. Plus de huit millions d’électeurs guatémaltèques étaient appelés à voter pour élire le successeur du président sortant, Jimmy Morales, dont l’unique mandat de quatre ans a été entaché par de nombreux scandales. La prise de fonctions du nouveau président est programmée pour le 14 janvier 2020.
A Sumpango, une petite ville dont la majeure partie de la population est maya, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de la capitale, les quatre responsables d’un des bureaux de vote avaient fait une rapide prière en ouvrant le scrutin à 7 heures locales. Ils ont cependant dû attendre une bonne heure avant de voir arriver une première électrice, en costume traditionnel, comme la plupart des femmes de la localité.
Les électeurs rencontrés par l’Agence France-Presse (AFP) avaient beau être désabusés, ils ont l’espoir que leur nouveau président aura à cœur de venir à bout des trois plaies de leur pays : la corruption, la violence criminelle et la misère. « Nous voulons un président pour de vrai… Qu’il tienne ses promesses », a déclaré à l’AFP Marta Lidia Subuyuj, une paysanne de 43 ans.
« Qu’il tienne ses promesses »
Les Guatémaltèques ont été échaudés par Jimmy Morales : ils pensaient renouveler la classe politique en élisant en 2015 cet humoriste de la télévision sans aucune expérience du pouvoir… Las, le bateleur finit son unique mandat de quatre ans sous le coup d’une enquête pour financement illégal de campagne électorale.
« Je n’ai pas confiance dans les politiques car il y a quatre ans les gens ont voulu quelque chose de différent avec Jimmy Morales et ça a été pire », s’est désolée Kimberly Sal, une institutrice de 19 ans après avoir pourtant glissé dimanche son bulletin dans l’urne.
Les deux candidats ont assuré qu’ils lutteraient contre la corruption. Cette volonté affirmée se heurte cependant au scepticisme de leurs opposants et des analystes, d’autant que Mme Torres et M. Giammattei ont annoncé vouloir se passer de l’aide de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (Cigig), la mission anticorruption des Nations unies (ONU), déclarée indésirable pour avoir mis en accusation le président sortant.
Un pacte migratoire avec les Etats-Unis
A la préoccupation lancinante du combat contre la corruption, est récemment venue s’ajouter l’humiliation d’un pacte migratoire arraché par le président américain, Donald Trump. Malgré le tollé soulevé au Guatemala par cet accord aux termes flous et conclu dans l’opacité, les deux candidats se sont montrés d’une grande prudence dans leurs commentaires et quant à leurs intentions.
Selon la Maison Blanche, le Guatemala est dorénavant considéré comme un « pays tiers sûr » auprès duquel les demandeurs d’asile devront effectuer leurs premières démarches.
Pour nombre de responsables d’associations et d’organisations non gouvernementales, le pays ne peut recevoir les migrants en route pour les Etats-Unis alors qu’il n’arrive même pas à subvenir aux besoins de sa propre population. En effet, 60 % des 17,7 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté.
Ce pays du « triangle nord » de l’Amérique centrale fournit lui-même, avec le Honduras et le Salvador voisins, un des plus gros contingents de candidats au « rêve américain », des personnes qui se jettent sur les routes pour fuir la misère et la violence des gangs.