Les difficultés de l’exécutif français à anticiper les problèmes soulevés par la crise sanitaire trouvent leurs origines dans les choix économiques de ces dernières décennies, selon Frank Pallet, qui préconise le retour d’un véritable Etat stratège.
On ne cesse d’entendre et de lire ici ou là que l’actuel gouvernement et son administration ont commis de nombreuses erreurs tant dans l’anticipation que dans la gestion de la crise sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19, qui l’aurait ainsi conduit à deux confinements en huit mois, un troisième étant d’ores et déjà attendu pour fin janvier début février 2021.
Afin de mieux comprendre l’évolution de l’Etat dans la gestion de la vie économique et plus généralement dans la conduite des politiques publiques, remontons le fil de l’histoire depuis le tournant de la rigueur entrepris par le gouvernement socialiste en 1983.
Depuis cette date, à l’instar des Etats-Unis, du Royaume-Uni et dans une certaine mesure de la République Fédérale d’Allemagne, l’esprit de nos dirigeants politiques et économiques s’est fortement imprégné des idées néolibérales principalement incarnées par le monétarisme friedmanien et le «tout marché» de l’économiste autrichien Friedrich von Hayek, plus communément connu sous le concept d’«ordre spontané».
Face à l’impossibilité de sortir de la stagflation qui frappait alors les économies occidentales, le keynesianisme était ainsi supplanté à la fois par les théories de Ricardo, un des précurseurs de l’actuelle mondialisation et par le retour de la «main invisible» d’Adam Smith.
A cette doxa néolibérale s’est ajouté l’ordolibéralisme de Walter Euken qui instaura ainsi le dogme de la libre concurrence en Allemagne dans un premier temps puis progressivement dans les autres pays, inspirant ainsi les rédacteurs du Traité de Rome de 1957 puis ceux du Traité de Maastricht en 1992 qui en ont fait désormais une règle d’or au point de paralyser tout processus de création de grands groupes internationaux capables d’affronter les multinationales américaines et chinoises (fusion Alstom Siemens invalidée par la Commission européenne).
Depuis lors, nous avons assisté à un démantèlement progressif et constant de services publics ainsi qu’à une mise en concurrence d’entreprises qui sont restés pendant longtemps sous le «giron» de l’Etat afin de satisfaire à nos engagements européens, notamment dans certains secteurs comme les télécommunications, l’énergie, les services financiers et certains services publics comme la santé soumis de plus en plus à la concurrence, sous l’œil vigilant de la Commission européenne.
Par ailleurs, le Pacte de stabilité et de croissance de 1997 puis le Traité de stabilité, de coordination et de gouvernance de 2012 ont imposé à la France a l’instar d’autres pays membres de l’union européenne de revenir à l’équilibre budgétaire ainsi que la baisse de son endettement public qui atteignait avant la crise sanitaire 98,1% du PIB.
Depuis lors, la dette publique est passée à 116,4% de la richesse nationale, soit 2 674,3 milliards d’euros, un chiffre qui donne le vertige puisque chaque Français est endetté à hauteur de 39 915 euros.