La France n’en finit plus de s’écharper sur l’islam en général et sur le voile en particulier. Sur ces questions, deux camps s’affrontent, toujours les mêmes. D’une part ceux qui considèrent que la liberté religieuse doit être totale et que le régime de laïcité n’impose pas l’invisibilisation de la foi. D’autre part ceux pour lesquels le fait de rendre ostensible l’appartenance à une religion relève de la provocation, et le port du voile d’un parti-pris sexiste. Un troisième camp existe, qui, pour ne pas avoir à trancher, tente de défendre l’idée que tout cela n’a pas d’importance et qu’il faut se recentrer sur les vrais sujets, en particulier sur la question sociale.
Ce camp a tort. La rémanence du débat, son intensité et parfois sa violence, suffisent à indiquer qu’il y a bien là un sujet, même s’il dérange. En revanche, peut-être la question est-elle mal posée. Car il ne s’agit pas d’une question de laïcité. Il s’agit d’une question bien plus vaste. De mœurs notamment, et il faut essayer de comprendre pourquoi la visibilité de la religion – musulmane en l’occurrence – et le port du voile en particulier, posent davantage problème en France qu’ailleurs, notamment que dans les pays anglo-saxons.
Puis il faut dézoomer encore. On s’aperçoit alors que plus que l’islam (qui, comme toutes les religions, peut se pratiquer de mille et une façons), c’est la banalisation d’une pratique orthodoxe et le communautarisme qui la sous-tend, qui posent problème. Ils sont en effet le marqueur d’une « archipélisation » de la société telle que l’a récemment décrite Jérôme Fourquet. Cette archipélisation a des causes très profondes, qui sont à rechercher dans l’insertion du pays dans la mondialisation néolibérale, et dans ses conséquences : affaiblissement de la nation, dépérissement de l’État, liquéfaction de la société.