La révolte en cours en Algérie s’organise d’abord sur Facebook, où les appels au calme se multiplient pour éviter de discréditer le mouvement.
Une révolte 2.0. Depuis la mi-février, des dizaines de milliers d’Algériens protestent dans la rue contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à l’élection présidentielle pour un cinquième mandat consécutif. Des manifestations qui rassemblent encore énormément de personnes, vendredi 1er mars.
A l’image des printemps arabes en 2011, ce mouvement de contestation est parti des réseaux sociaux. Depuis, il prospère et s’organise en ligne.
Des stades de foot à Facebook
« Les premières réactions sont parties des stades de football, puis cela a été relayé à travers les réseaux sociaux, sans qu’il y ait un acteur majeur derrière », décrypte ainsi le politologue Antoine Basbous. Début février, un mot d’ordre est diffusé pour appeler notamment à une grande mobilisation pour la journée du vendredi 22 février. Mais difficile de remonter à l’origine de cet appel. « Ce qui est incroyable avec cette contestation, c’est qu’elle est totalement anonyme, on ne sait pas du tout d’où elle est partie », confirme Habib Brahmia, membre du collectif d’opposition Mouwatana.
C’est ce qu’on appelle aujourd’hui ‘l’appel du peuple’, même si on sait très bien qu’il y a eu quelqu’un derrière.
Habib Brahmia, membre du collectif d’opposition Mouwatana
à franceinfo
« L’appel à manifester a ainsi été partagé par de nombreuses pages Facebook algériennes, quelle que soit leur catégorie (de nombreuses pages de sports ont ainsi partagé l’appel) », complète un militant algérien qui préfère garder l’anonymat. La mobilisation s’organise essentiellement via Facebook, car « les Algériens ne sont pas trop sur Twitter », ajoute ce militant. « Tout Facebook ne parle que de ça. Les messages sont notamment diffusés via les pages de certains influenceurs », détaille Habib Brahmia.
L’enjeu de l’anonymat
Des hommes politiques, des journalistes, des artistes relaient ainsi les mots d’ordre de la mobilisation, à l’image du rappeur Lotfi Double Kanon, du militant politique Fodil Boumala ou encore de l’activiste Amira Bouraoui, déjà à la pointe de la contestation contre le 4e mandat de Bouteflika en 2014 et qui rassemble plus de 110 000 abonnés sur son compte Facebook. Quelques pages influentes organisent également la contestation en ligne, comme DzWikileaks, La révolution des jeunes Algériens ou encore Béjaia City. Il faut également évoquer le rôle joué par certains youtubeurs, comme Anes Tina et DZjoker, qui n’hésitent pas à s’en prendre au président algérien dans leurs vidéos, détaille Le Monde.
La charte d’une manifestant pacifique #Algérie pic.twitter.com/TMzo2fo94Z
— Tergeek (@tergeek) 28 février 2019
Une jeunesse hyperconnectée
Une bonne partie des messages sur les réseaux sociaux invitent les Algériens au civisme, pour que les manifestations se déroulent dans le calme. Une charte pour une manifestation pacifique circule ainsi depuis plusieurs jours, dans le but d’éviter les débordements. « Les gens continuent à associer la manifestation à la violence en raison de la décennie noire [la guerre civile entre 1991 et 2002], donc on a très peur que le pouvoir envoie des casseurs pour nous discréditer », s’inquiète Habib Brahmia.
Des initiatives sur Facebook proposent ainsi d’amener une fleur pour chaque policier, de nettoyer après le passage de la manifestation ou encore de prévoir des bouteilles d’eau pour s’hydrater et du vinaigre pour minimiser l’effet des gaz lacrymogènes.