L’humoriste Dieudonné est de retour en Bretagne, vendredi et samedi, pour présenter son nouveau spectacle intitulé « En Vérité ».
Il se produira à Rennes vendredi soir, et à Nantes, samedi soir. Pour s’inscrire pour Rennes, c’est ici. Pour s’inscrire pour Nantes, c’est ici.
Contrairement à d’autres humoristes, Dieudonné — depuis plusieurs années déjà en raison de ses sorties humoristiquement incorrectes — ne bénéficie d’aucune publicité dans la presse traditionnelle. Ce qui ne l’empêche pourtant pas de remplir toutes les salles où il se produit, alors que dans le même temps certains autres spécialistes du One Man Show bénéficiant d’une couverture médiatique très importante peinent à remplir des salles.
À quelques jours de son spectacle en Bretagne — terre d’où est originaire sa mère — Dieudonné nous a accordé une interview, dans laquelle nous parlons de son rapport à la Bretagne, des Gilets jaunes, des médias, de son spectacle, de son antisémitisme présumé, mais aussi de la tornade qui n’a cessé de s’abattre sur lui ces dernières années.
Entretien à cœur ouvert.
Breizh-info.com : Vous jouez à Rennes et à Nantes cette semaine. Est-ce qu’il y a un sentiment particulier, lorsque vous jouez en Bretagne, vous qui avez des origines familiales bretonnes ?
Dieudonné : Oui, c’est sûr. Je suis Breton par ma mère, et mon attache avec la France, c’est la Bretagne. J’ai toujours été proche de cette région.
Il y a une partie de ma famille, mais la Bretagne, c’est aussi la mer, l’océan, c’est une région particulière, avec un esprit particulier. Il y a cette forêt mythique de Brocéliande, et ses légendes qui rappellent la forêt équatoriale africaine. Ce ne sont pas des lutins qu’il y a là bas, mais de vrais personnages, les Pygmées.
Breizh-info.com : Parlez-nous du contenu du spectacle « En vérité » que vous allez jouer, vendredi à Rennes, samedi à Nantes ?
Dieudonné : C’est le dernier spectacle, que je joue en tournée depuis cette semaine (on a commencé à Rouen et Caen). On a joué aussi à Paris de manière un peu acrobatique, car nous avons perdu le théâtre de la Main d’or début 2018 et que nous avons trouvé un autre lieu duquel nous avons été délogés.
Maintenant, au-delà des arrêtés municipaux, le pouvoir politique a trouvé un moyen de me faire expulser via des commissions de sécurité, des contrôles de sécurité. Ils l’ont fait à plusieurs endroits, notamment dans une église Évangéliste qui nous avait reçus. Elle a dû fermer.
Le spectacle s’appelle « En vérité ». Il évoque un état de vérité que je souhaite à chacun d’entre nous. C’est une réflexion sur notre époque, et sur les mensonges médiatiques, politiques, institutionnels (l’Éducation nationale devenue hystérique par exemple…)
Le chemin de la vérité est le seul chemin possible, celui qui correspond aux aspirations d’une population fatiguée.
Breizh-info.com : On vous a vu soutenir les Gilets jaunes justement. Quel regard portez-vous sur ce mouvement ? Sur les réactions du système vis-à-vis de cette population qui se révolte ?
Dieudonné : Je suis un Gilet jaune depuis très longtemps. C’est un mouvement dont les racines sont profondes. En 2014, en terre bretonne d’ailleurs (à Nantes), le 9 janvier, je me souviens déjà des arrêtés contre moi, des décisions du Conseil d’État, etc. C’est là que, pour moi en tout cas, j’ai vu naître un élan pour la liberté d’expression, de pensée, de paroles.
Il n’y avait pas encore de Gilets jaunes. Mais les gens attachés à la liberté d’expression représentent une branche de ce mouvement. Et nous nous sommes retrouvés en novembre 2018. Donc tout naturellement j’en ai fait partie, sur les ronds-points en face de chez moi, à Langon, à Paris, à Mantes-la-Jolie. J’ai rencontré beaucoup de copains.
Mon prochain spectacle sera reconnaissant à ce mouvement. Il y aura le mot jaune dans le titre. Ce mouvement me plait et me parle. Sur le plan de l’inspiration artistique, il est porteur d’énergie positive.
Breizh-info.com : Vous vous considérez donc désormais comme un humoriste militant politique ?
Dieudonné : Je me considère comme un Gilet jaune. Pas de leader, pas d’organisation pyramidale. C’est un éveil organique à la vérité avec une volonté de transparence., une volonté de vivre de façon égale.
Chaque gilet jaune est un leader politique, un président de la République, un ministre. Mais ces gens là, au pouvoir, ne nous rendent pas les services qu’ils devraient nous rendre.
Un artiste, un libre penseur, ne peut que soutenir les Gilets jaunes.
Breizh-info.com : Si demain, le RIC (référendum d’initiative citoyenne) était mis en place, quelles seraient la ou les thématiques que vous voudriez pouvoir soumettre à la consultation populaire ?
Dieudonné : Il faudrait remettre debout l’une des institutions, la Justice. Et mettre des caméras dans les tribunaux, pour éviter l’imposture. J’ai vu des procès, et c’est hallucinant ce qu’il se passe. Dans un État de droit, le premier pilier doit être le respect de la Justice et des lois. Mais vu qu’aujourd’hui tout est bafoué, la première des choses à faire est d’installer des caméras pour que le peuple de France puisse constater par lui-même la Justice rendue en son nom.
Actuellement, les tribunaux sont difficilement accessibles (ils sont pleins rapidement). Le fait qu’on ne puisse pas filmer aujourd’hui cache quelque chose de très grave.
Si un jour ce RIC se met en place, ce serait l’une des idées que je voudrai lancer.
Breizh-info : Comment êtes-vous parvenu à vous renouveler, en 30 années de carrière ? Et à continuer à être drôle ?
Dieudonné : Il faut quitter les marécages du show-biz. Il faut quitter cette fosse à purin. Pour pouvoir retrouver l’inspiration. Lorsque l’on est en risque, on est le plus drôle. En 30 ans de spectacle, je suis celui qui, sur la scène française, en a fait le plus. Poussé, par la force des choses. L’interdiction, la pression et la répression m’ont poussé à l’expression.
J’ai raconté ce qui m’arrivait, cela parlait à beaucoup de personnes. Je n’interviens plus dans les médias, mais je reste productif puisque je suis en contact direct avec le public. J’ai joué dans des champs, dans des bus, dans des Zéniths… j’ai joué partout.
Le public de Rennes pourra le constater, on joue désormais dans un cadre encore plus étonnant. Je laisse la surprise, vous allez voir : une sorte d’intérieur de baleine… je ne vous en dis pas plus.
Breizh-info.com : Beaucoup de médias mainstream vous qualifie d’antisémite. Sans vous avoir jamais posé la question, donc je vous la pose. Êtes-vous antisémite ?
Dieudonné : C’est une question amusante. Je me souviens l’avoir posé il y a longtemps à des gens qui avaient cette réputation, aujourd’hui cela me fait sourire.
Je pense qu’un antisémite n’est pas forcément quelqu’un qui a envie de l’être. Ce n’est pas forcément quelqu’un qui n’aime pas les Juifs. Mais c’est quelqu’un que les associations juives n’aiment pas et qui est montré du doigt comme étant antisémite. Moi c’est comme ça que j’ai commencé à avoir cette étiquette.
Je n’ai jamais revendiqué cet adjectif. Je ne me suis jamais revendiqué comme antisémite. Quand on me l’a demandé par le passé, j’ai répondu que je n’avais pas le temps de l’être. Je me laisse la possibilité, pourquoi pas un jour, d’être antisémite si j’en ai envie, mais je n’en ai ni le temps ni l’envie. J’ai l’impression que c’est un passe-temps à plein temps, et que c’est une activité.
Maintenant, le chantage à l’antisémitisme existe — d’ailleurs cette question est une forme de chantage puisqu’elle m’oblige à me positionner là-dessus. Je n’ai jamais eu l’intention de me déclarer antisémite, je ne l’ai jamais fait. Je fais ce que je veux.
Eh bien non ! Dans la société française, lorsqu’on vous dit antisémite, ce n’est pas vous qui choisissez. Je n’ai pas choisi d’avoir cette étiquette. Mais en mon for intérieur, je n’ai pas le temps. Je vais réfléchir.
Breizh-info.com : Que pensez-vous de la presse alternative — vous-même avez votre propre média — et de son rôle de contre-pouvoir actuel ?
Dieudonné : Je pense que cet espace des réseaux sociaux, d’Internet, a changé la face de la société. Évidemment, le pouvoir nous contrôle un peu plus. Ils connaissent nos choix, nos goûts, nos amis, ils savent où on va en vacances (les impôts regardent vos comptes Facebook désormais pour vous redresser…).
Cela a amélioré le contrôle de l’État sur la population, mais paradoxalement cela a aussi ouvert un appétit de transparence au sein de la population. Elle a envie de contrôler plus qu’avant ceux qui ont la gestion du bien public.
Pour les médias, c’est pareil ; comment vont-ils survivre à cet espace ? Aujourd’hui, un homme avec un iPhone est un média, un journaliste. Le devoir d’objectivité, la mission d’information, je ne sais pas ce que c’est.
Moi, mon travail c’est de faire rire, je ne suis pas un média. Mais quelle est la mission de celui qui veut informer ? Je n’en sais rien. Cela évolue aujourd’hui. Il y a des gens qui commencent — vous en faites partie — à se détacher de ce monstre devenu un organe de propagande qu’on appelait « les médias ». C’était un outil financé par des milliardaires pour servir leurs intérêts, et ceux de quelques politiques.
Aujourd’hui, comment réagissent les internautes ? Comment le citoyen s’informe ? J’ai l’impression par ailleurs que les gens n’ont plus envie de payer pour être informés. Je ne sais pas ce qui va se passer à l’avenir, quel modèle économique sera viable.
J’ai des amis, Vincent Lapierre en fait partie, qui illustrent une forme d’avenir dans le journalisme. Il a le bon ton pour remplacer ce que pouvait être l’information. Mais je n’arrive pas à cerner l’avenir de ce métier.
Breizh-info.com : Quand on a vécu tout ce que vous avez vécu (censure, pression, menaces), comment fait-on pour protéger son entourage de tout cela ? Et pour tenir sur la durée ?
Dieudonné : Je les ai vus passer les Valls, Sarkozy, et ceux qui arrivent. Ils sont dans un Ancien Monde, très virtuel, comme l’ordre public d’ailleurs, qui l’est plus que les réseaux sociaux. L’État français est plus virtuel qu’un compte Facebook. Il nous est imposé, on ne l’a pas choisi, nous n’avons pas d’affinité avec lui, on le subit. On s’en détache aujourd’hui avec Internet.
Contre moi, ce système qui choisit des épouvantails dont j’ai fait partie s’est accroché. Mais j’ai une forme de résilience qui s’est manifestée. C’est dans ma nature profonde que d’incarner cette résistance.