Dépouilles putréfiées et rongées par les souris, locaux au bord de la ruine: dans l’enquête sur le Centre du don des corps de Paris-Descartes, Frédéric Dardel, ex-président de l’université, a été mis en examen. Pour David Artur, membre de l’association Charnier Paris-Descartes, les familles des défunts vivent un véritable enfer. Entretien.
«Quand vous découvrez cette affaire, vous recevez un Scud dans la tête, parce que l’on vous annonce que l’on a maltraité quelqu’un qui n’a eu de cesse toute son existence de bien vous traiter. Quelqu’un qui a été là tout au long de votre vie jusqu’à sa disparition, qui vous aimait et que vous aimiez», se désole David Artur.
En 2015, son père avait fait don de son corps à la science. Tout porte à croire que sa dépouille a subi un sort atroce. Une destinée qui a traumatisé les 170 proches de défunts ayant eux aussi voulu que leur dépouille serve la science.
C’était il y a trois ans et c’était la main de ma mere avant que son corps ne parte pour la Faculté de médecine Descartes. Cette femme a souffert toute sa vie et ne méritait pas qu’on la bousille encore plus ! Je te représente aujourd’hui Je t’aime maman ❤❤ pic.twitter.com/tZ5gXzYWyE
— Isa Zab (@zab_lisa) May 9, 2021
Depuis les révélations de L’Express en novembre sur le Centre du don des corps (CDC), le «temple de l’anatomie française» fondé en 1953, certains membres de l’association «vivent un enfer», souligne le vice-président de Charnier Paris-Descartes.
«Certains n’ont pas trouvé le sommeil depuis cette date. Ils ferment les yeux et voient leurs parents rongés par les rats et les vers. Quand certaines photos ont été publiées, ils ont cherché à savoir, à travers le sac plastique, si c’était la tête de leur mère ou pas.»
Des images insoutenables que David Artur a pu consulter dans leur intégralité. Et il le confirme: «ce qu’il y a dans ce jeu de photos est innommable, c’est l’horreur de l’horreur». Identique à celle des pires massacres de la Seconde Guerre mondiale ou des génocides africains, s’émeut David Artur. À savoir des corps dont «la peau est noire de pourriture, des corps momifiés».
«On est face au plus gros scandale scientifique et éthique de cette dernière partie du XXe et première partie du XXIe siècle», estime le vice- président de Charnier Paris-Descartes.
Et pour cause, selon une enquête menée par Radio France, «une somme de documents édifiants» (mails, des rapports et des photos) atteste de la multiplication des alertes sur la situation du CDC au moins depuis 2012. Un compte-rendu datant du 23 janvier 2012 relate que des corps positifs au VIH, à l’hépatite B et C, ont été disséqués par des étudiants ou manipulés par des médecins qui n’avaient pas été prévenus de ces dangers.