Mensonges et propagande : enquête sur Brahim C., parent d’élève en lien avec le tueur de Samuel Paty

Brahim C., père d’une élève de la classe de Samuel Paty, a lancé la contestation et diffusé le nom de l’enseignant, décapité ce 16 octobre. Son récit contient plusieurs fausses affirmations, et son activité en ligne montre un homme très religieux, voire prosélyte.


Il est un des points d’interrogation de l’enquête sur l’assassinat de Samuel Paty. Qui est Brahim C., en garde à vue depuis vendredi 16 octobre ? Ce parent d’élève du collège Bois d’Aulne de Conflans est celui qui a lancé la contestation contre l’enseignant, avec une présentation des faits qui apparaît aujourd’hui douteuse. Son activité sur internet donne à voir une vie sociale entièrement tournée vers la religion. Extrêmement investi dans des actions de bienfaisance, il se faisait prosélyte en faveur d’une association promouvant un religieux proche du wahhabisme, un courant particulièrement rigoriste de l’islam.

Dans l’affaire qui a abouti à la décapitation du professeur, il a donné naissance à la polémique en ligne, et l’a ensuite nourrie, en multipliant les propos chocs et en diffusant le nom et les coordonnées professionnelles de l’enseignant. Selon LCI, Abdoullakh Anzorov, l’assassin de Samuel Paty, l’a contacté par écrit, ainsi qu’Abdelhakim Sefrioui, pour leur signifier qu’il allait régler le problème « à sa manière« . Brahim C. et le tueur ont même échangé des messages, selon l’AFP, BFMTV et 20 MinutesLe Parisien révèle que le terroriste a aussi joint par téléphone Brahim C., qui avait diffusé son numéro en ligne, juste avant son attaque.

(…)

« IL LEUR DIT DE SORTIR DE LA CLASSE« 

Le 7 octobre à 22 heures 28, il fabrique l’engrenage qui va coûter la vie à Samuel Paty en postant cet étonnant message sur Facebook : « Incroyable mais vrai et ça vous concerne tous et toutes. ce matin, le prof d’histoire de ma fille en 4ème demande à toute la classe que tous les élèves musulmans de la classe lèvent la main. Ensuite il leur dit de sortir de la classe car il va diffuser une image qui va les choquer (…) Ensuite, ce professeur diffuse l’image de quelqu’un nu et leur dit que c’est le prophète des musulmans notre cher bien aimé prophète« . Cette version comporte plusieurs problèmes. D’abord, à aucun moment, Brahim C. ne mentionne que cette « image » était en réalité une caricature. Surtout, il évoque un évènement survenu « ce matin« , alors que le cours a eu lieu le 5 octobre pour les 4 ème 5 et le 6 octobre pour le 4 ème 4, la classe à laquelle appartient sa fille. Or, selon des témoignages concordants, celle-ci n’a même pas assisté au cours en question.

Brahim C. conclut ce premier message : « Si vous n’êtes pas d’accord avec ça, vous pouvez écrire un courrier au directeur de l’école pour virer ce malade et je vous donne l’adresse« . Il promet de se rendre le lendemain au collège, ce qu’il fera effectivement. Dans la continuité, le père d’élève se lâche. Il publie un second message à 23 heures 05 dans lequel il conseille de s’adresser « au collège ou CCCIF ou inspection académique ou ministre de l’éducation ou président« . Puis, il dérape. « Ce professeur dit en se vantant à ma fille qu’il a participé à la marche de Charlie. Vous aimez votre prophète (…) Vous avez l’adresse et le nom du professeur« ‘, poste-t-il à 23 heures 22. Dans une première version, il joint à ce message le nom de Samuel Paty et les coordonnées du collège. De nombreux internautes lui conseillent alors d’effacer le nom pour ne pas s’exposer à des poursuites, ce qu’il fera à minuit 58, même si ces éléments restent accessibles en deux clics sur l’historique de son compte.

VERSION MENSONGÈRE

Le 8 octobre, Brahim C. est devant le collège Bois d’Aulne avec Abdelhakim Sefrioui, un prédicateur spécialiste des coups de pression. Dans une vidéo qui sera diffusée le 12 octobre, on entend l’activiste interroger la fillette de la 4ème 4 : « Peux-tu nous raconter exactement ce qu’il s’est passé ? » L’adolescente relate que pendant « un cours sur l’islam« , son professeur d’histoire-géographie aurait proposé à ses élèves de confession musulmane de quitter la salle de classe. « Là, je vais montrer une image, vous allez être peut-être choqués donc si vous voulez vous pouvez sortir du cours« , aurait annoncé l’enseignant, selon la fillette. Troisième problème : cette version ne coïncide pas avec celle… défendue par le père, qui affirme que les musulmans de la classe ont été obligés de sortir. Ce point n’est pas anecdotique : selon le renseignement territorial, c’est cette rumeur sur l’exclusion de musulmans qui suscite dans un premier temps l’indignation de plusieurs parents d’élèves.

Ce même 8 octobre, Brahim C. publie une vidéo de deux minutes sur les réseaux sociaux, dans laquelle… il continue à affirmer que le professeur a forcé les musulmans à sortir : « Il s’est permis de leur dire : « Les musulmans lèvent la main. » […] Il leur a dit : « Voilà, vous sortez » […] Il a montré un homme tout nu en leur disant que c’est le prophète. […] Pourquoi cette haine ? […] Si vous voulez qu’on soit ensemble et qu’on dise stop, envoyez-moi un message. » Il assure par ailleurs que sa fille a été exclue du collège pour avoir refusé de sortir de la classe : « Comme elle a refusé de sortir de classe, il l’a renvoyée de la classe en lui mettant un autre motif« . Ce que l’enquête dément également.

Brahim C. repostera ce document le 12 octobre, puis le 16 octobre à 15 heures 04, quelques minutes seulement avant l’attentat. Le Parisien révèle que cet après-midi-là, le terroriste Abdoullakh Anzorov l’a justement appelé sur son téléphone. Le père d’élève avait laissé son numéro à la fin de sa vidéo. Les deux hommes ont aussi échangé des messages écrits, selon l’AFP, BFMTV et 20 Minutes.

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