Depuis mi-mars, Manuel Valls est en campagne médiatique. Cette tournée, interminable, est l’occasion de souligner les traits les plus grossiers du journalisme politique dominant, dépolitisé et amnésique : absence de contradiction, psychologisation, peopolisation… Les journalistes s’y font les promoteurs, pour ne pas dire les co-auteurs, du roman de l’homme politique, qu’ils sollicitent également pour alimenter les paniques morales du moment. D’un plateau à l’autre, les mêmes questions posées avec la même commisération et la même fascination. Plus rien ne distingue alors un entretien sur France Info d’une recension du Figaro, ni un portrait de Paris Match d’une interview de RTL.
La tournée médiatique de Manuel Valls, engagée mi-mars à l’occasion de la parution chez Grasset de son ouvrage Pas une goutte de sang français. Mais la France coule dans mes veines, est un cas d’école de ce que l’on appelle la dépolitisation de la politique. Ou comment les sujets de fond et la mise en débat du bilan politique de Manuel Valls sont éclipsés au profit d’un « story-telling » intime et personnel : ses blessures morales, son ego, sa situation familiale, ses souvenirs d’enfance, ses goûts culturels et ses petits plaisirs du quotidien. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cette publication a attiré l’attention des médias :
Du 17 mars au 14 avril, on ne compte pas moins de 43 apparitions médiatiques ou recensions, sans compter les nombreux articles publiés dans la presse people (Closer, Gala) et féminine (Le Journal des femmes, Femmes Actuelles). Depuis le 18 mars, Gala lui a par exemple consacré 17 articles, feuilletonnant, au choix, sa vie privée – « Manuel Valls privé de son chien par son ex Anne Gravoin : « J’en suis malade » » (26 mars), « Manuel Valls fleur bleue avec Susana Gallardo : « L’amour est toujours possible » » (2 avril) – ou ses passages médiatiques : « Manuel Valls ose une petite blague, Anne-Élisabeth Lemoine surprise » (29 mars).
La plume dans la plaie
Dans les articles et entretiens consacrés à l’ouvrage de l’ancien Premier ministre, les journalistes reprennent à leur compte le récit produit par Manuel Valls sur lui-même – un « visionnaire » – et sa trajectoire politique – « tragique ». Loin de déconstruire cette dramaturgie, les journalistes s’en font les promoteurs, et donc les coproducteurs. Et si tous les médias ne cèdent pas la même place au « pittoresque », la majorité d’entre eux emboîtent bien volontiers le pas du « drama » vallsiste. Best of en vidéo :
Partout, le tapis rouge. De Patrick Simonin (TV5 Monde) exaltant un lanceur d’alerte [1], à Sonia Chironi, qui le fait « philosophe » : « Vous parlez du destin aussi. Ce serait quoi une vie réussie, selon vous ? » (LCI). Pour Éric Naulleau (Paris Première), pas de doute, on a là un écrivain : c’est « un ouvrage de qualité – qualité d’écriture, qualité d’évocation, qualité de réflexion ». La mythification du personnage passant parfois par le recours à un lexique christique – les uns parlent de « résurrection » (CNews, Ouest France), les autres, de « renaissance » (Femmes actuelles) – ou lorsque sont mobilisées des figures littéraires ou historiques, comme « l’exil » (Le Figaro) ou « l’île d’Elbe » (L’Obs).
Manuel celui qui bouffe a tout les ratelier qui a chasse dieudo qu’il retourne en espagne lecher le cul de sa femme ce type et a vomir quand meme