Ce mardi, les députés adoptent par un vote solennel la loi « séparatisme ». Mais ce texte ne vise pas que les activités potentiellement terroristes : tout un chapitre s’intéresse aux libertés associatives. Les associations de défense de l’environnement, notamment, s’estiment gravement menacées.
Les associations organisant des actions de désobéissance civile, ou soutenant des blocages de chantier tel que celui en cours à Gonesse, seront-elles bientôt considérées comme « agissant contre la République » ? Pourront-elles être plus facilement privées de subventions, voire dissoutes ? La crainte est grande chez les associations de défense de l’environnement. Car le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » (surnommé « loi séparatisme ») prévoit, dans ses articles 6 à 12, de renforcer le contrôle des associations. Après en avoir débattu pendant deux semaines, les députés doivent adopter l’ensemble du texte par un vote solennel mardi 16 février.
L’objectif affiché par le législateur est de viser les associations « séparatistes », comprenez celles qui feraient la promotion d’un islamisme radical. Mais une grande partie du monde associatif se sent visé. « Contrairement à ce qui est avancé par ses promoteurs, ce nouveau texte liberticide ne concerne pas seulement les associations cultuelles et celles qui perçoivent des fonds publics, mais constitue une menace très grave pour l’ensemble des associations françaises », expliquait en janvier une tribune signée d’universitaires, d’avocats, et de multiples associations allant des arts de rue au soutien aux migrants, en passant par la défense des droits de l’Homme et de l’environnement.
« De nouveaux outils de contrôle des associations sur la base de notions floues »
« L’amour de la République demande des preuves, il faut poser des lignes rouges », a affirmé devant l’Assemblée nationale le rapporteur de ces articles, le député La République en marche (LREM) Éric Poulliat. Reporterre a tenté de le joindre, mais le député n’a pas trouvé le temps de nous répondre. « On crée de nouveaux outils de contrôle des associations sur la base de notions floues », observe Frédéric Amiel, coordinateur général des Amis de la Terre. Le défenseur des droits a, de son côté, dénoncé dans son avis sur le projet de loi un « renforcement global du contrôle de l’ordre social. »
Car l’article 6 du projet de loi prévoit que désormais, les associations recevant des subventions — donc de l’argent public — devront signer un « contrat d’engagement républicain ». À noter que le Conseil d’État avait souligné que le mot « contrat » semblait inapproprié, un contrat supposant un engagement libre entre deux parties, alors qu’il serait ici unilatéralement imposé.
Le JDD avait opportunément dévoilé le contenu de ce « contrat », préparé par les services de la ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa, la veille du lancement des débats à l’Assemblée nationale. Outre le respect de l’égalité homme-femme ou la lutte contre le racisme, l’un des engagements prévoit que l’association ne doit pas « causer de trouble à l’ordre public », et ne pas « revendiquer sa propre soustraction aux lois de la République ». « C’est la définition même de la désobéissance civile », proteste Benjamin Sourice, chargé de mission chez VoxPublic.
« On pourrait imaginer que l’on nous retire l’agrément à cause de nos actions de désobéissance civile »
Certaines associations en pointe dans la défense de l’environnement touchent des subventions publiques, et pourraient être directement concernées, à l’instar de la plus grande fédération française d’associations environnementales, FNE (France Nature Environnement). « Prenons l’exemple du barrage de Sivens (Tarn), explique Bénédicte Hermelin, directrice générale de FNE. On ne peut pas dire que l’ordre public ait été sauvegardé. Pourtant, en définitive, les associations ont gagné tous les recours. Elles se sont battues pour faire respecter la loi. Mais avec ce projet de loi, on aurait pu leur couper les subventions publiques, voire les dissoudre. » Elle souligne par ailleurs que ce contrat est réservé aux associations, « alors que les syndicats et les entreprises aussi touchent des subventions ».