Contrairement à ce qu’affirment l’Express et d’autres médias, le président du Venezuela Nicolas Maduro ne massacre pas les indiens Pémons à la frontière avec le Brésil. Selon Romain Migus, qui s’est entretenu avec Aloha Nuñez, la ministre des Peuples indigènes du Venezuela, il y a bien eu des affrontements à la frontière brésilienne, mais entre des forces de l’opposition vénézuélienne et des indiens défendant leur territoire. Nous reproduisons ci-dessous leur passionnant entretien.
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Interview de Aloha Nuñez, ministre du pouvoir populaire pour les Peuples indigènes, par Romain Migus
Le thème des peuples indigènes a été une source d’attaque permanente contre les différents gouvernements progressistes d’Amérique Latine. Alors que la majorité des peuples autochtones soutiennent ou ont soutenu fermement les processus révolutionnaires, nombreuses sont les organisations ou les ONGs qui critiquent leurs actions.
Quels ont été les avancés dans ce domaine au sein de la Révolution bolivarienne ? Qu’est-ce qui a changé depuis l’arrivée d’Hugo Chávez au pouvoir pour les peuples indigènes ? Est-il vrai que le président Maduro ait ordonné un massacre des indiens pémons, à la frontière avec le Brésil, le 23 février 2019 ?
Pour répondre à toutes ces questions, nous avons été discuter avec Aloha Nuñez, Ministre des Peuples Indigènes du Venezuela. La plus haute autorité de l’Etat en la matière nous accueille au siège du ministère, un immeuble vétuste du centre de Caracas. Au dernier étage, des posters à l’effigie des luttes des peuples indigènes d’Amérique Latine ornent les murs, comme pour signifier que les efforts déployés par l’administration du président Maduro ne s’arrêtent pas aux frontières du pays.
Aloha Nuñez est une jeune femme de l’ethnie wayuu, le peuple dont le territoire est à cheval entre le nord du Venezuela et la région de la Guajira colombienne. Dès ses études à l’Université du Zulia, dans la ville de Maracaibo, elle s’investit dans la défense des droits de son peuple. A 24 ans, elle devient vice-ministre des peuples indigènes, puis à 29 ans, elle est investit ministre par le ComandanteHugo Chávez. Elle sera élue député à l’Assemblée Nationale en 2015, et deviendra la présidente du Parlement Indigène des Amérique en 2016. Après un bref passage à l’Assemblée Constituante en 2017, le président Maduro renouvellera sa confiance dans son administration en la nommant de nouveau ministre des Peuples indigènes du Venezuela en janvier 2018. Toute la trajectoire sa vie a été dédiée à la défense de la cause indigène.
Avant de commencer l’interview, nous buvons un café dans le petit bureau où elle nous reçoit, habillé de la robe traditionnelle wayuu. Derrière elle trône un poster d’Hugo Chávez, ainsi que le portrait officiel du président Maduro. Aux cotés des deux leaders de la Révolution est affiché le plan d’un centre de formation et de production d’agriculture et d’élevage s’inspirant de l’architecture Ye’kwana, un peuple de l’Amazonie vénézuélienne et brésilienne.
Au fil des présentations, elle nous demande « l’interview est en audio ou en vidéo? ». Comme nous lui indiquons que nous allons la filmer, elle sort immédiatement de son sac une petite trousse de toilette, et ajuste son maquillage en nous glissant : « je suis indigène mais femme aussi. On reviendra sur les stéréotypes qu’on nous colle à la peau depuis trop d’années ». L’interview s’annonce passionnante. Elle le sera.
Amateur d’indigénisme occidental, d’ONGs coloniales ou dévots de la doxa médiatique dominante, il est encore temps d’arrêter votre lecture, car la ministre, avec son franc parler, va nous livrer un autre son de cloche, et lever le voile sur une vérité largement occultée par les entreprises de propagande anti-bolivarienne.
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En février 2019, les Etats-Unis et leurs alliés locaux et latino-américains ont essayé de violer la souveraineté du Venezuela, durant le show médiatico-politique de “l’aide humanitaire”. Les médias internationaux ont alors accusé le président Maduro d’avoir perpétré un “massacre”, voire un “génocide” des indiens Pémons, à la frontière avec le Brésil. Que s’est-il réellement passé le 22 et 23 février 2019 à la frontière venezolano-brésilienne ?
Nous avons subit une attaque médiatique contre la Révolution Bolivarienne, et bien sûr contre le président Maduro. Le peuple Pémon qui se trouve sur ce territoire est un peuple bien organisé. Ils possèdent une organisation interne qu’ils ont eux même établi. Chaque communauté a un responsable local, ainsi qu’un responsable général par secteur. En plus de cela, ils ont formé un conseil de chefs indigènes. Avant de répondre à ta question, il est impératif de comprendre l’organisation du peuple Pémon. Car aucun de ces responsables n’a dénoncé de “génocide” ou de “massacre” perpétré par le président Maduro. J’étais présente ce jour-là à la frontière avec le Brésil. J’ai vu de mes propres yeux ce qui s’était réellement passé. Cette zone est une zone minière. C’est d’ailleurs pour cela que le gouvernement a crée l’arc minier, pour tenter de réguler l’activité minière et empêcher l’extraction illégale d’or et de minerais. Cependant, il persiste dans cette zone de nombreux mafieux. Ce sont eux qui ont dirigé l’opération du 23 février 2019. Et le maire de la ville frontalière [Emilio González, d’opposition au gouvernement du président Maduro – NDT] s’est allié avec cette mafia. Plusieurs rapports et enquêtes soulignent la collusion entre ce maire et la mafia locale. Il existe des photos de ce maire lourdement armé ou se livrant à l’activité minière illégale. Pour être lui même Pémon, il prétend parler au nom de tous les Pémons. Mais ce n’est qu’un individu qui parle en son nom propre, et il n’est en aucun cas une autorité légitime du peuple Pémon.
Il y a une vidéo où on le voit supplier l’armée de le laisser en paix. C’est un vulgaire montage, l’armée ne lui faisait absolument rien. Bien, au contraire d’ailleurs, car c’est lui qui provoquait constamment les soldats. L’armée a été très professionnelle et n’a pas répondu aux provocations du maire. Mais cette vidéo a fait le tour du monde comme “preuve” que l’armée attaquait le peuple Pémon. Au contraire, ce jour-là il y eut un déferlement de violence contre l’armée. Mais très peu de pémons y ont participé. Seul le maire et quelques uns de ses supporters. Ceux qui se sont livrés à cette violence n’étaient pas pémons, ils ne vivaient même pas dans la zone. Et ça, ce sont les responsables pémons qui l’ont dénoncé. Car ce sont les pémons qui se sont affrontés à ces délinquants venus d’autres régions du pays pour semer la violence. A Santa Elena de Uairen, la ville frontalière, des snipers ont tiré depuis des immeubles sur des personnes qui ne participaient pas aux manifestations. C’était un plan orchestré par la mafia avec la complicité active du maire de la ville. Face à cette violence, les autorités légitimes du peuple Pémon –c’est pour cela que je t’expliquais comment ce peuple est organisé- se sont réunis avec moi ainsi qu’avec d’autres responsables de l’Etat ou de la Révolution pour nous manifester leur rejet de la violence et du comportement du maire.
Après le 23 février, le maire a fui au Brésil d’où il essaie de faire croire qu’il est victime de persécution politique de la part de l’Etat vénézuélien. Il n’y a jamais eu de persécution, il a traversé la frontière de son plein gré. Ce sont les autorités légitimes du peuple Pémon qui le disent. Voilà ce qui s’est passé ce jour là. Je compte sur toi pour que tu nous aides à diffuser la vérité. Ce que je te raconte, je l’ai vu, je l’ai vécu, j’étais sur place. Les pémons ont du affronter les bandes armées de l’opposition dans la ville frontalière, et notamment dans la zone del Escamoto. Les pémons patriotes, membres de la milice bolivarienne, ont défendu la garnison militaire des attaques de la mafia. Il y eu un affrontement très dur dans la zone de Kumara Kapay. Il y a eu des échanges de tirs, et il y a une enquête en cours pour déterminer les responsabilités. Mais trois soldats, dont une femme, ont été torturés ce jour là par un groupe extrémiste et minoritaire de pémons liés à l’opposition. Ils ont roué de coup les soldats, ils les ont fait dévorer par des fourmis rouges, ils leur ont jeté du piment dans les yeux. Ces gens là ne représentent pas la majorité ni la culture de paix du peuple Pémon. Ces exactions ont d’ailleurs été condamnées par les autorités légitimes du peuple Pémon.
Il faut que les gens qui nous liront sachent que les pémons qui ont dû faire face aux bandes armées de cette opposition apatride se sont réunis avec l’équipe technique de la Haute Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU, Michelle Bachelet. 70 délégués pémons se sont réunis en mars 2019 dans une salle de l’aéroport de la ville de Puerto Ordaz avec l’équipe de Bachelet pour leur témoigner ce qui s’était réellement passé. Et qu’est-ce qu’ils ont fait de ces témoignages ? Rien. Bien au contraire, le rapport de Mme Bachelet n’a retenu que la version des agresseurs. Ils n’ont pas pris en compte le témoignage de 70 délégués pémons qui leur ont raconté ce qui s’était réellement passé le 23 février 2019.
Incroyable…
La réunion a duré deux heures à Puerto Ordaz. On m’avait invité mais j’ai refusé d’y aller pour qu’on ne puisse pas dire que la ministre avait influencé les délégués du peuple Pémon qui ont simplement raconté ce qu’ils avaient vécu ce jour là. Ils ont décrit la peur qu’ils ont ressentis en voyant des bandes armées harceler des leaders de la Révolution bolivarienne ou des leaders des communautés indigènes pour les empêcher d’aller défendre leur Patrie, et empêcher une agression externe sous couvert “d’aide humanitaire”.
Source : RomainMigus.info – Lire la totalité de l’entretien
Merci « le média pour tous » et à Romain Migus de nous tenir informé sur la situation du Venezuela. Ce témoignage vient encore confirmer ma certitude sur le fait que les gouvernements occidentaux mentent et manipulent les masses. Il est grand temps de déconstruire leur stratégie destructive pour l’humanité.