Le rapport de la Cour des comptes de juin 2021 permet une prise de conscience un peu plus nette du tournant austéritaire qui se prépare…
Une austérité, cela se prépare. En 2008-2009 après la crise des subprimes qui venait emboutir nos économies sur-financiarisées, que n’avons-nous pas entendu : le retour du keynésianisme, la fin de la finance débridée, le retour aux fondamentaux, les « plus jamais ça » furent de circonstances. Mais ce ne fut pas une crise DU néolibéralisme mais DANS le néolibéralisme. Sa transformation en crise des dettes souveraines dans l’Union européenne a été la formidable occasion de maintenir la discipline de marché et de renforcer un ordre favorable aux créanciers.
L’austérité prima alors. La Grèce fut le laboratoire terrible du projet austéritaire. L’Union européenne s’enfonça dans une récession terrible de 2011 à 2013 et il lui a fallu dix ans pour retrouver son niveau d’activité d’avant crise.
Mais le capitalisme va de crise en crise, celle de la Covid 19 est venue le confirmer. Saisir la présente situation sous l’angle sanitaire, c’est ne pas comprendre la nature même de l’événement. La pandémie n’ayant que trop souligné les choix de politique économique retenus sans discontinuer par la plupart des gouvernements depuis 1983 : réduction de l’offre de services publics, austérité salariale, inégalités économiques entendues comme conditions nécessaires pour dynamiser l’activité économique, gestion à flux tendus des activités de santé, néomanagérialisation des personnels.
Ces choix hautement contestables associés à une gouvernance par les nombres (Supiot) ont montré toute leur nocivité. La pandémie est avant tout l’expression des dérèglements d’une économie financiarisée et donc rentière.
La pandémie a provisoirement interrompu cette logique qui vise à faire de la sphère sociale l’espace des ajustements économiques.
Tout comme en 2008-2009, les mêmes artifices ont été à l’œuvre, il suffit de penser aux discours du président de la République, Emmanuel Macron reprenant le quoi qu’il en coûte de Mario Draghi de 2012. On ne compte plus alors le nombre de tribunes, d’interventions médiatiques diverses et variées expliquant que l’austérité appartenait au passé. Encore une fois, le retour au keynésianisme était annoncé. Des journalistes et autres commentateurs de complaisance ont voulu saluer l’intelligence des autorités européennes à suspendre les règles budgétaires ou à mettre en œuvre le plan de relance de nouvelle génération.
Au niveau national, un « Ségur de la santé » était annoncé pour répondre aux besoins de l’hôpital et des soignants. Il en alla de même au niveau de l’éducation nationale, le ministre promettant une revalorisation de la condition enseignante.
Mais derrière la façade des bonnes intentions, et des plans de communication, l’austérité à venir se préparait. L’accroissement spectaculaire de la dette a permis à certains issus du gouvernement ou de l’expertise économique de remettre la même antienne à l’œuvre : la dette risque de devenir préoccupante, les nouvelles générations viendraient à en porter les conséquences, la crédibilité de la France serait en danger.
Mais le gouvernement s’empressa de rassurer les uns et les autres indiquant que le soutien de l’État ne faiblirait pas, mais qu’à l’horizon 2023, il faudrait compter sur la croissance, et aussi sur une meilleure gestion de la dépense publique et leur progression modérée pour garantir aux investisseurs la solidité de la signature française.
Une Commission sous la direction de J. Arthuis et d’économistes plutôt mainstream était mise en place fin 2020 pour réfléchir à une stratégie de sortie de crise et de maitrise des comptes publics. Le rapport disait vouloir écarter l’austérité et opter pour la responsabilité. C’était le retour du sérieux budgétaire de Pierre Moscovici.