La tentation néolibérale autoritaire de l’oligarchie mondialisée


Par Pascal Tripier-Constantin pour Front Populaire

Après avoir été un modèle de libertés et de droits de l’Homme, les démocraties libérales occidentales tendent de plus en plus vers un autoritarisme assumé. Si cette dynamique peut paraître paradoxale, ses soubassements ne sont en réalité pas si surprenants.

Le 26 avril 1938, à Paris, s’ouvre un colloque dont la portée pèse aujourd’hui sur nos habitudes de vie : le colloque Walter Lippmann. Dès les années 1920, en pleine crise de la première mondialisation des échanges, Walter Lippmann entreprend de redéfinir la forme libérale de nos sociétés pour éviter ses crises, ses échecs, ses morts. Il souhaite conserver la forme capitalistique ouverte des sociétés, mais redonne un rôle central à l’État selon deux grandes impulsions : le gouvernement des experts et la manufacture du consentement des populations. C’est l’invention du « néolibéralisme ».

Dans ces mêmes années, un philosophe pragmatique va s’opposer aux propositions de Lippmann : John Dewey. Pour lui, la forme ouverte des sociétés doit au contraire s’armer d’une libre vivacité citoyenne de la démocratie, jugée indispensable pour répondre aux mutations profondes du XXe siècle. Il demande l’établissement d’une démocratie radicale dont l’État serait le garant. La Seconde Guerre mondiale mit un terme à la première mondialisation, mais le néolibéralisme lippmannien resta dans les esprits.

En 2021, il faut bien constater que ce néolibéralisme imprègne l’ensemble des institutions internationales et nationales dans le contexte d’une deuxième mondialisation des échanges, en crise majeure elle aussi. Le Royaume-Uni semble faire exception dans ce paysage, comme souvent dans l’histoire récente occidentale, pendant que l’organisation de Davos et son « Great reset » propose une intensification de ce néolibéralisme lippmannien.

Face à lui, plusieurs tentatives de conciliation furent entreprises. En 1971, John Rawls propose dans sa théorie de la justice une articulation fine de la liberté et de l’égalité, mais reste dans le cadre d’une vision neutre de l’individu, détaché des conditions qui l’ont fait naître et grandir. En 1982, Michael Sandel allait, lui, donner une réplique déterminante en arguant que le juste rawlsien ne peut pas se réaliser avec des individus détachés, le juste ne peut pas se réaliser sans le bien. Les travaux de ce philosophe de Harvard, spécialiste de philosophie politique, portent sur les fondements individualistes du libéralisme et lui retournent une proposition « communautarienne ». L’individu n’est pas neutre et tout puissant, il est engagé dans des cercles de communautés qui ont contribué, à des degrés divers, à le faire devenir ce qu’il est.

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