Succession de Theresa May : les ennuis commencent pour Boris Johnson



Le très probable vainqueur de l’élection interne aux conservateurs pour succéder à Theresa May au poste de Premier ministre britannique va arriver en terrain miné.

Chronique d’une victoire annoncée : le résultat du vote des 160 000 membres du Parti conservateur pour trouver un successeur à Theresa May, qui sera rendu public mardi, va consacrer Boris Johnson. Son adversaire, Jeremy Hunt, l’actuel ministre des Affaires étrangères, a acté par avance l’issue de cette joute électorale en cercle fermé en se déclarant prêt à travailler avec l’ancien maire de Londres.

À 55 ans, celui qui fut naguère journaliste en poste à Bruxelles avant de se faire le chantre du Brexit voit donc se réaliser son vieux rêve d’endosser la tunique de Premier ministre du royaume. Mais fini de faire le pitre : il le sait, c’est maintenant que les ennuis commencent.

De gros cailloux dans sa chaussure

La manifestation, samedi dans les rues de Londres, de plusieurs dizaines de milliers de Britanniques pro-Europe est une piqûre de rappel. Une bonne moitié des électeurs du Royaume-Uni, furieux de se voir imposer de quitter l’Union européenne à la suite du référendum de 2016 pollué par les infox, résistent. Ils espèrent toujours rester dans l’UE et considèrent qu’une sortie de l’Union non négociée — le fameux « no deal » — serait un casus belli.

Même dominé par les conservateurs, dont la majorité est fragile, le Parlement repousse lui aussi la perspective d’un « no deal » sur laquelle BoJo, comme on le surnomme, s’est fait élire en assurant que, quoi qu’il arrive, son pays aura quitté l’Union européenne le 31 octobre cette année.

Redoutant un passage en force du futur Premier ministre, la Chambre des communes a voté, jeudi, un amendement interdisant toute sortie de l’Union sans un vote favorable du Parlement. Deux poids lourds du gouvernement sortant, le ministre des Finances Philip Hammond et le ministre de la Justice David Gauke, en désaccord avec Johnson sur le Brexit, ont annoncé ce week-end leur prochaine démission du gouvernement May.

La crise avec l’Iran en prime

À peine arrivé au 10 Downing Street, le nouveau Premier ministre va devoir, en outre, s’employer à résoudre le dossier brûlant — et potentiellement explosif — de la crise avec l’Iran. Depuis le week-end, les Gardiens de la révolution, bras armé idéologique du régime islamique, retiennent un tanker battant pavillon britannique qu’ils ont arraisonné dans le golfe Persique. Une opération menée « à un moment où la Grande-Bretagne est singulièrement vulnérable », relevait le New York Times. Cet événement risque de pousser Londres dans les bras militaires de Washington, tout près d’attaquer l’Iran.

Contradictions en vue

Si le Royaume-Uni devait, à la faveur de la crise iranienne, s’aligner sur la politique américaine, ce serait aller à l’encontre de ses propres positions. En particulier sur le dossier du nucléaire iranien (à l’origine de la tension dans le golfe Persique depuis que Donald Trump a dénoncé l’accord signé par son prédécesseur Barack Obama) où les Britanniques collaient jusque-là à la position des Européens. Idem sur l’environnement, où Trump s’est distingué en déchirant l’accord de Paris sur le climat. Autant de dossiers qui, outre-Manche, sont susceptibles d’affaiblir sur le plan interne le nouveau locataire du 10 Downing Street.

Sauvé par le deal commercial avec les Américains ?

Donald Trump a certes fait miroiter un « formidable accord commercial » au Royaume-Uni une fois sorti de l’UE. Mais concrètement, ce deal mettra du temps à être conclu, et plus encore à se traduire dans la réalité. D’autant que les démocrates américains, qui contrôlent la Chambre des représentants, ne veulent pas faire de cadeau à Trump déjà en campagne pour sa réélection.

Certains font aussi remarquer qu’ayant lâché l’Union européenne, le Royaume-Uni sera en position de faiblesse pour négocier un accord commercial avec un Trump qui n’a pas la réputation de faire de cadeau dans les affaires. Bon courage, mister Johnson.

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