Il y a des catastrophes humanitaires qui ne figurent pas à l’ordre du jour du monde.
Depuis la naissance de l’impérialisme américain à la fin du XIXe siècle, plusieurs variantes de l’aphorisme « La guerre est le moyen que Dieu a trouvé pour enseigner la géographie aux Américains » ont fait le tour du monde. Cette boutade (qui, contrairement à la légende, ne semble pas être signée de Mark Twain, Ambrose Bierce ou toute autre personne célèbre) s’est avérée tout à fait exacte toutes les fois que la guerre en question implique directement des troupes américaines. En revanche, lorsque des combattants et des civils non américains souffrent et meurent dans des conflits qui n’ont rien à voir avec les « intérêts stratégiques » de Washington, nos médias ont tendance à détourner les yeux, les agences d’aide deviennent avares et les Américains n’apprennent absolument rien en géographie. Oh, et compte tenu de la puissance et de la position de notre pays sur la planète, des millions de personnes pâtissent de cette indifférence.
Jours de terreur à Khartoum
Commençons par le Soudan. Une guerre civile entre les forces armées soudanaises et un groupe paramilitaire appelé Force de soutien rapide (RSF) entre actuellement dans son septième mois sans qu’aucune issue ne soit en vue. Depuis que le conflit a éclaté, Washington n’a lancé que quelques appels symboliques à la cessation des hostilités, tout en fournissant une aide insuffisante à des millions de Soudanais désespérés. L’aide apportée s’est avérée microscopique en comparaison des considérables ressources humanitaire, économique et militaire que notre gouvernement a déversées sur l’Ukraine, elle aussi déchirée par la guerre.
Au cours des cinq premiers mois de combats intenses au Soudan, 5 000 civils ont été tués et au moins 12 000 ont été blessés, deux chiffres considérés comme largement sous-estimés. Entre-temps, plus d’un million de gens ont fui le pays, tandis qu’un nombre impressionnant de 7,1 millions de personnes ont été déplacées au sein de leur propre pays. Selon l’Office international des migrations, ce chiffre est « le plus élevé en ce qui concerne les populations déplacées dans le monde, en tenant compte aussi de la Syrie, de l’Ukraine et de la République démocratique du Congo ». Human Rights Watch rapporte que « plus de 20 millions de gens, soit 42% de la population soudanaise, sont confrontés à une insécurité alimentaire aiguë et 6 millions sont au bord de la famine ».