Ambiance restauration et ultralibéralisme : un minimum vital contre un peu de travail renvoie à un amendement britannique voté… à l’époque victorienne, fustige l’économiste Frédéric Farah alors que sénateurs et députés se sont mis d’accord sur un conditionnement du RSA à quinze heures d’activité.
L’obligation d’exercer des heures d’activité en échange de l’obtention du revenu de solidarité active (RSA) au risque d’une radiation n’a rien de neuf si l’on veut bien redonner de la profondeur historique à la question. Cette dernière doit nous conduire a plus précisément en 1834 au Royaume-Uni avec l’abolition de la loi sur les pauvres. Il s’agissait d’un système d’assistance à l’œuvre dans les paroisses existant depuis 1795. Un système qui s’est vite retrouvé dans le viseur de certains députés de l’époque car il favorisait l’assistance et la paresse, selon eux. Lors des débats à la Chambre des Communes, ils affirmaient qu’il fallait exposer les pauvres au vent vif de la concurrence. C’est avec l’abolition des lois sur les pauvres que naît le marché du travail contemporain. Il s’agit alors de mettre à disposition des industriels d’alors une main-d’œuvre bon marché et dont le pouvoir de négociation demeurait faible.
De ce débat vont demeurer deux constantes, portées par le discours libéral, et qui survivent depuis plus d’un siècle et demi. La première se fonde sur l’anthropologie négative et discriminatoire : les pauvres ont un penchant à la paresse et ont tendance à abuser des subsides publics. La seconde insiste sur la nécessité d’exercer sur eux un contrôle social et placer leurs droits sous conditions. En 1922, l’économiste libéral Jacques Rueff pestait contre la persistance du chômage anglais au double motif que l’allocation du chômage de l’époque était dissuasive pour le retour à l’emploi et que les syndicats créaient de la rigidité sur le marché du travail et empêchaient les ajustements nécessaires.
Cette antienne libérale s’est tue jusqu’à la fin des années 1970 pour une série de raisons : le keynésianisme triomphant d’après-guerre admettait que le plein-emploi ne pouvait être la règle du fonctionnement du capitalisme mais l’exception. Il ne fallait donc pas accabler les chômeurs. Par ailleurs, la présence d’un communisme fort doublé d’une puissance syndicale significative était aussi de réels garde-fous aux dérives libérales. Enfin, la dénonciation des méfaits de la finance en raison de la folie spéculative qui l’avait portée au krach en 1930 avait conduit à en limiter le pouvoir. Ces éléments avaient pour un temps rangé au magasin des oubliettes la vieille rengaine libérale sur la supposée paresse des assistés. Il a fallu construire de véritables allocations-chômage, comme en 1958 en France, et élargir le droit des travailleurs. Le rapport de force penchait en faveur du travail. Cette brève parenthèse historique n’aura duré qu’un temps assez bref, soit une vingtaine années.
Le risque c’est plus l’isolement et la désociabilisation que la paresse.
Je pense que c’est bien de tester ça, et si dans quelques années on se rend compte que c’est problématique, on pourra toujours revenir dessus…