Policier de Toulon frappant des manifestants : « Il ne sait pas se maîtriser »



En 2014, Jean Lasserre, alors major de police, avait été frappé par Didier Andrieux, ce qui a valu à ce dernier un avertissement. Il nous raconte sa version des faits.

Nous avons retrouvé le major de police Jean Lasserre, qui avait reçu un violent coup de coude en juillet 2014 de la part du commandant divisionnaire Didier Andrieux. Ce dernier a été filmé, samedi, en train de frapper plusieurs personnes lors de l’acte 8 des Gilets jaunes à Toulon (Var). Un geste pour lequel le préfet du Var a saisi l’IGPN (Inspection générale de la police nationale).

Après l’incident entre policiers en 2014, la justice avait classé l’affaire. Didier Andrieux, devenu entretemps responsable par intérim de 400 policiers en tenue à Toulon, avait écopé en 2015 pour ces faits d’un simple avertissement. Mais le major de police, depuis à la retraite, a décidé d’entamer une procédure au civil.

Jean Lasserre est catégorique : « Je savais que Didier Andrieux allait redéraper. J’attendais. C’est un caractériel, qui ne sait pas se maîtriser », attaque l’ex-major. « Il pratique la boxe, et considère la vie comme un ring. J’ai été victime de sa violence et l’administration l’a couvert. Nous avions eu des mots à propos d’une affaire de stups. Ce n’était pas mon chef hiérarchique. »

Le policier retraité raconte : « C’était en juillet 2014, nous étions au troisième étage du bâtiment de la sûreté à Toulon. Il m’a foncé dessus et m’a flanqué un violent coup de coude dans le nez. Je n’ai rien vu venir et me suis retrouvé KO à terre. Quand j’ai repris mes esprits, j’étais couvert de sang. Il n’était plus là, il était monté voir la patronne (NDLR : Marie-Josèphe Mazet, ex-directrice départementale de la sécurité publique du Var, aujourd’hui en poste dans le Vaucluse) pour lui raconter des mensonges. »

« Soi-disant, je l’avais provoqué, il a dit ensuite qu’il avait voulu frapper l’armoire et que son coude avait dérapé, poursuit Jean Lasserre. C’était invraisemblable. Aucun des enquêteurs de l’IGPN ne l’a cru. Mais la justice n’a pas poursuivi, même après appel. Devant le conseil de discipline, il a écopé de la plus petite des sanctions : un avertissement. Beaucoup de collègues ont trouvé cette indulgence totalement inconsidérée. Mais il avait de gros appuis auprès de la direction. Il a su se rendre indispensable au fil des années et a rendu beaucoup de services. »

« Au plus fort de la politique du chiffre, sous Nicolas Sarkozy, ses équipes faisaient interpellations sur interpellations pour les statistiques. C’est un homme qui sait manager les gens, mais à quel prix ? Il est aujourd’hui dans les petits papiers de sa hiérarchie, Henri Castets, directeur départemental de la sécurité publique du Var qui lui a fait avoir la Légion d’honneur. Il adore les distinctions, mais j’espère que la Grande Chancellerie va lui retirer. » Joint par nos soins, ce dernier s’en est tenu à son droit de réserve.

« À l’époque, je me suis retrouvé aux urgences à l’hôpital Sainte-Anne », rappelle Jean Lasserre. « Je n’ai pas osé dire que je m’étais fait frapper au boulot par un collègue. J’avais honte. Qui peut imaginer qu’un policier perde son sang-froid à ce point, cela fait peur. Jamais la patronne n’est venue me voir ou a pris de mes nouvelles. J’ai eu toutes les peines du monde pour que l’administration reconnaisse que mes blessures étaient survenues lors de mes activités. La police et ses petits arrangements ! »

Parole contre parole

Marie-Josèphe Mazel, l’ex-directrice départementale adjointe de la sécurité publique (DDSP) du Var, aujourd’hui DDSSP du Vaucluse, jointe, conteste : « Je n’ai pas couvert Didier Andrieux. Il y a eu enquête de l’IGPN, à la fois administrative et judiciaire. L’enquête judiciaire a été classée. Et à ce que je crois la justice est indépendante. L’enquête administrative, elle, a débouché sur un conseil de discipline. Une décision a été prise, par delà ma personne. Personne de la DDSP n’y siégeait et je n’avais pas la mainmise sur ce conseil de discipline. »

Cette sanction de simple avertissement a cependant causé la surprise en interne. Un ancien responsable à l’IGPN témoigne : « A l’époque nous avons été très étonné de la décision prise par le conseil de discipline. En général quand l’IGPN demande un conseil de discipline, c’est qu’elle estime qu’il y a une faute suffisamment grave. Autrement elle attribue directement un avertissement ou un blâme à la personne. La sanction n’était pas proportionnée aux fait. Ce commandant a visiblement un problème avec la violence, et l’usage de la force »

Source leparisien.fr – lire la suite de l’article

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