Notre-Dame de Paris, que votre histoire est longue ! Vous trônez là, près des français depuis si longtemps. Votre corps imposant nous est tellement rassurant, il nous renvoie aux siècles d’avant et nous impose la mission d’en être les dignes descendants. Combien de générations avez-vous contemplées, vous la belle dame mutilée ?
L’évêque de Paris, Maurice de Sully, nouvellement élu en 1160, décida de votre construction, en lieu et place de la cathédrale Saint-Etienne, elle-même érigée, dit-on, à l’emplacement d’un ancien temple païen. L’évêque bâtisseur vous souhaitait plus haute, plus longue, plus belle dans un style ogival, pour l’époque, l’architecture était nouvelle. Un tel édifice, si majestueux, ne pouvait avoir pour patronne qu’une reine souveraine des Cieux. À Notre-Dame Maurice de Sully, le prélat scrupuleux, dédia la cathédrale de Paris. Du haut de votre flèche, vous allez veiller, avec détermination et constance, sur Paris et ses contrées.
Au XIIème siècle, la capitale s’affirmait et tenait un rôle décisif dans le royaume de France. La ville était un centre politique, économique et intellectuelle majeur.
Un chantier monumental s’amorça : démolition de l’ancienne cathédrale Saint-Etienne, aménagement d’un parvis voulu comme un espace intermédiaire entre le monde profane et le monde de la foi, reconstruction du palais épiscopal et de l’Hôtel-Dieu, percement de la rue Neuve-Notre-Dame. En 1163, en présence du Pape Alexandre III, la première pierre fut posée. Une telle perfection architecturale ne pouvait être façonnée que par l’excellence ouvrière du temps. A travers les siècles, l’élite artisanale se succéda pour vous bâtir, vous élever, vous imaginer. La ferveur était intense, pour vous honorer, se mobilisa le peuple tout entier : les notables de la ville, l’Église, toutes les corporations de l’époque se mirent à pied d’oeuvre ; sculpteurs, charpentiers, menuisiers, maçons, verriers ou encore tailleurs. Ces hommes ne ménageaient pas leurs peines pour vous rendre une grâce tant méritée. Que de sacrifices ont été offerts à Marie et à Dieu par tous ces travailleurs valeureux ! Cent ans plus tard, en 1272, vous voilà achevée. Les parisiens pouvaient vous contempler avec pudeur et jubilation. L’ivresse de l’exploit accompli gagna les coeurs pleins de satisfactions.
Votre âge canonique vous a permit d’assister à nos heures les plus glorieuses comme les plus funestes, qu’elles fussent synonymes de joie ou de peine, le peuple vous visitait pour se consoler ou pour se réjouir. Les parisiens, en votre cœur, veillèrent le corps si pieux du roi Saint Louis ou plus tard acclamèrent Henri IV converti depuis peu sous votre regard ébloui.
Au XVIIème siècle, quand vous aviez l’apparence d’une dame vénérable, le sanctuaire et le chœur furent réaménagés pour accomplir le Vœu de Louis XIII de consacrer son royaume à la Vierge Marie.
Et vous voilà aujourd’hui, du haut de votre millénaire approchant, éventrée, dévorée par un brasier ardent. Qu’avons-nous donc fait pour mériter la punition de vous voir défigurée ? Vous qui avez laissé l’édifice sombrer, que devons-nous donc interpréter ? Telle une mère généreuse, vous nous avez mis en garde, à la Salette en Isère, par la voix de Mélanie et de Maximin son compère : “Paris sera brûlé” ! nous avez-vous annoncé mais vous le savez mieux que nous, la nature humaine est cabocharde, les plaisirs du monde étant si doux, alors vos avertissements, nous les avons délaissés.
Puissiez-vous nous pardonner ?
Jean-Noël