Après leur débâcle historique aux élections européennes, les Républicains semblent au bord de l’extinction.
Le 26 mai au soir, les chaînes d’informations donnaient les résultats tant attendus des dernières élections. Malgré une abstention toujours massive à hauteur de 50% des inscrits, l’issue reste sans surprise : le RN et LAREM caracolent en tête avec respectivement 23.3% et 22.4% des voix. Alors que la nouvelle opposition progressiste contre populiste s’installe durablement, les anciennes machines électorales s’en vont rejoindre le cimetière des éléphants de la politique française. Peu après la chute pour le moins comique du Parti Socialiste, incarnée par un très charismatique kébabier breton, le temps est venu pour Les Républicains de rejoindre leurs meilleurs ennemis dans la tombe. UMPS un jour, UMPS toujours.
Ce 26 mai, le lent pourrissement du parti post-gaullien finit enfin par atteindre son paroxysme : avec 8.5% des voix, le centre-droit a réalisé son plus faible score depuis la candidature RPR de Nicolas Sarkozy en 1999 (12.8%) … Au 238 rue de Vaugirard, où trône encore l’imposant siège du parti, les ténors de la droite font le bilan de leur défaite :
Je veux remercier tous ceux qui nous ont fait confiance pour cette élection et qui ont défendu jusqu’au bout leurs convictions sur l’Europe. Dans ce vote, il y a de la colère, du désarroi et de l’attente. Nous avons trois ans pour faire naître de l’espoir. pic.twitter.com/1F5btEYydV
— Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) 26 mai 2019
Comme beaucoup d’hommes politiques issus des vieux carcans poussiéreux de la social-démocratie, Laurent Wauquiez n’a d’autre choix que de se réfugier dans des tirades abstraites sur « l’avenir » et « l’espoir ». Rhétorique malheureuse mais obligatoire, quand le passé n’est plus qu’un cul-de-sac qui ne cesse de renvoyer à l’histoire des trahisons successives de son propre parti.
Du « coup de karcher » au « défi du métissage »
Comme le disait le « petit père Queuille » : « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ». Phrase à garder en mémoire lorsque l’on s’intéresse à l’histoire de LR, et plus particulièrement à celle de l’apogée du parti : le mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy. Vainqueur de peu face à Ségolène Royal (PS), ce Gaulliste de la première heure a investi l’Elysée sur un « coup de karcher » et terminé sa gouvernance dans les affres mondialistes du métissage obligatoire. Au dernier prince de l’UMP, on ne peut reprocher son impeccable stratégie électorale. Il est le premier à avoir su manipuler le sentiment anti-immigration montant dans les rangs du prolétariat français, en imposant le débat sur l’identité nationale. La France se souvient encore de son escapade dominicale chez des habitants la Courneuve en 2005, durant laquelle il a détaillé ses « projets » d’aménagement du territoire et de lutte contre la criminalité (ethnique)… Voyez plutôt :
« Dès demain, on va nettoyer au Karcher la cité des 4 000. On y mettra les effectifs nécessaires et le temps qu’il faudra, mais ça sera nettoyé. Dans un second temps seulement, on parlera de prévention. » (Libération, 21 mars 2018)
« Vaste programme » dirait le Général. A ses dépends, le travailleur français finit par comprendre les mots de Machiavel : « tels princes ont fait de grandes choses qui de leur parole ont tenu peu compte » … En quelques années, Sarkozy réussit l’exploit insensé de sauter du karcher au métissage.
François Fillon : le conservateur défroqué
Après sa défaite face au « Pitbull de Corrèze » , Sarkozy dut passer la main. Son héritier, plus sourcilleux encore sur les questions identitaires et ouvertement Thatchérien sur la question sociale, s’imposa sans difficulté lors des primaires de 2016 avec 66.5% des voix. Le nouvel homme de la droite rompit alors avec le style flamboyant de son prédécesseur. Austère, rural, catholique et exemplaire en tous points : la « Manif’ Pour Tous » avait son Savonarole. Lors de ses meetings, l’apôtre de l’exemplarité enchainait les sermons devant des foules de zélotes acquises à ses bondieuseries. Une phrase restera : « Qui imagine le général De Gaulle mit en examen ? » Hélas, il eut fallu se rappeler le mot de Brassens, parole d’évangile anarchisante : « Ne jetez pas la pierre à la femme adultère, je suis derrière ». Le 25 Janvier 2017, Le Canard Enchainé révèle des soupçons d’emplois fictifs concernant sa compagne, Penelope Fillon, rémunérée à hauteur de 500.000 euros sous couvert d’avoir été attachée parlementaire pour son mari. C’est le début de « l’affaire Fillon » ainsi que d’une longue descente aux enfers, qui se clora par « l’affaire des costumes » et la défaite cuisante des Républicains aux élections présidentielles de 2017. Certains crieront au complot médiatico-judiciaire contre un candidat trop conservateur pour le système, d’autres moqueront l’arroseur arrosé.
Laurent Wauquiez : le temps des chemises
« La France n’a pas de pétrole, mais elle a des idées » disait Giscard. Qu’en est-il des Républicains après 2017 ? A bout de souffle après la déroute filloniste et dépouillé de sa gauche par LAREM, les derniers gaullistes jouent leur dernière carte. En Décembre 2017, Laurent Wauquiez est élu à la présidence des Républicains avec 74% des voix. Le soir de son investiture, il proclame haut et fort : « La droite est de retour ! ». Le nouveau poulain des conservateurs renoue avec l’américanisation de la droite déjà entamée par Sarkozy. Chemise blanche, manches retroussées, micro en main et franc-parler : « Let’s Make LR Great Again ! ». Salué par Marion Maréchal Le Pen pour son opposition au pack sociétal de gauche (PMA, GPA, mariage homosexuel, immigration), la droite a cru un instant pouvoir faire de l’ombre au RN. C’était sans compter la couardise éternelle du centre-droit, qui refusera toujours les alliances avec les populistes eurosceptiques par peur de perdre son socle de col-blancs, certes acquis aux valeurs traditionnelles mais hostiles aux réformes sociales. Patriotes, mais pas téméraires, sociétaux, mais pas socialos. L’épopée Wauquiez prit fin le mois dernier en la personne de François-Xavier Bellamy, candidat aux européennes pour la liste LR. Au cours d’élégantes prises de parole pimentées de légères provocations sur l’IVG, Bellamy suivit la stratégie de son président à la lettre en jouant le sociétal contre le social. Le philosophe versaillais aux allures de gendres idéal était sensé donner ses tweets de noblesse au « Trumpisme » à la française, et ce fut un lamentable échec.
Les Républicains se sont une fois pour toute évanouis dans un dernier soupir, faisant s’écrouler avec eux un des derniers pans de la social-démocratie, qui bientôt ne se laissera évoquer que dans le souvenir.
« Il est tout à fait naturel que l’on ressente la nostalgie de ce qui était l’Empire (Détournement délibéré) (…) Mais quoi ? Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités ! » Charles De Gaulle.
Cet article a été proposé par Nicolas Clément. Vous aussi, proposez-nous un article !