La journaliste Sandra Muller, qui avait créé le mot-clé devenu viral #Balancetonporc dans le sillage du scandale Weinstein en 2017, est jugée pour diffamation ce mercredi 29 mai à Paris. Elle est poursuivie par l’homme qu’elle avait accusé nommément sur Twitter, avec le fameux hashtag.
C’était le 13 octobre 2017. Ce jour-là, la journaliste de la Lettre de l’audiovisuel Sandra Muller tweetait le message suivant : « #balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails un harcèlent (sic) sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends ». Son post était suivi quatre heures plus tard par un second tweet, bien plus explicite : « ’Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit’ Eric Brion ex-patron de Équidia #balancetonporc ».
Le tweet nommant avait été rediffusé plus de 2 500 fois. Dans le sillage de ce message et du scandale Weinstein, la parole de milliers de femmes dénonçant harcèlement ou agressions sexuelles s’était libérée sous ce mot-dièse #balancetonporc, rapidement devenu viral, et sous son équivalent en anglais #Metoo (#MoiAussi) lancé par l’actrice Alyssa Milano.
Eric Brion, consultant et ancien directeur général de la chaîne de télévision Equidia, avait attaqué Sandra Muller en diffamation, réclamant 50 000 euros de dommages et intérêts, 15 000 euros de frais de justice, la suppression du tweet divulguant son nom et des publications judiciaires. Le jugement de l’affaire est programmé ce mercredi. Tous deux devraient être présents mercredi après-midi devant la 17ème chambre civile du tribunal de Paris.
« Des propos déplacés lors d’un cocktail arrosé »
Contactée par l’Agence France Presse (AFP), Sandra Muller n’a pas souhaité s’exprimer avant l’audience. Dans un communiqué posté en janvier 2018 sur sa page Facebook, la journaliste basée aux États-Unis dénonçait des poursuites engagées « contre toute décence » par Eric Brion. « Voilà quelqu’un qui a reconnu dans un premier temps qu’il a eu une conduite non convenable, qui s’en est excusé, et qui brusquement décide d’attaquer en justice », a commenté l’un de ses avocats, Francis Szpiner.
De son côté, Eric Brion dénonce l’enchaînement des deux tweets le présentant « comme un prédateur sexuel », affirme Nicolas Bénoit, qui le défend avec Marie Burguburu. « C’est de la délation. À aucun moment il n’a la possibilité de se défendre, il est cloué au pilori », ajoute l’avocat. « Il a été détruit, c’est la victime expiatoire ».
En décembre 2017, dans le journal Le Monde, Eric Brion avait dit « réitérer ses excuses » à Mme Muller, reconnaissant avoir « tenu des propos déplacés » à son encontre « lors d’un cocktail arrosé très tard dans une soirée », tous deux ne travaillant pas ensemble. Il affirmait néanmoins refuser « l’amalgame » entre son « comportement et l’affaire concernant (le producteur hollywoodien) Harvey Weinstein, accusé de viols et de harcèlement sexuel par plusieurs femmes ».