Fronde de cadres dénonçant le fonctionnement de La France insoumise, offensive de Clémentine Autain pour changer la ligne, plainte de Thomas Guénolé contre l' »appareil » : Jean-Luc Mélenchon est sous pression avant de donner dans les prochains jours son analyse de la gifle reçue aux européennes, et d’annoncer son rôle pour la suite.
Après le 6 juin, « je dirai mon appréciation du moment politique. Je proposerai une suite pour notre chemin et je dirai ce qu’il en sera pour moi » : cette phrase mystérieuse samedi du chef de file insoumis, après un silence de plusieurs jours, malgré le faible score de 6,31% de voix au scrutin du 26 mai, a alimenté les hypothèses.
Et alors que le débat restait jusque-là limité, avec pour seuls échanges formels l’habituelle réunion du groupe parlementaire le mardi, expédiée en une heure et demie, l’échéance de la prise de parole de Jean-Luc Mélenchon a accéléré les initiatives.
Mercredi, 42 cadres et militants ont diffusé en interne une note, révélée par Le Monde jeudi et dont l’AFP a obtenu copie, critiquant point par point le fonctionnement interne du mouvement. « Les décisions stratégiques fondamentales sont finalement prises par un petit groupe de personnes » en l’absence d' »instance de décision collective », constatent les signataires.
Sont visés Jean-Luc Mélenchon et quelques proches, comme Sophia Chikirou, conseillère en communication, les députés Alexis Corbière, Adrien Quatennens, Bastien Lachaud ou encore le chef opérationnel du mouvement Manuel Bompard.
Le résultat des européennes prive désormais la direction d’échappatoires, elle qui avait mis ce malaise sous cloche. D’autant que le texte fait le lien entre le score et les méthodes internes de la direction, qui ont créé des incertudes propices aux « tiraillements programmatiques ».
– « Piston » –
Fatalement, c’est celui qui a théorisé et fondé ce mouvement « gazeux », Jean-Luc Mélenchon, qui est sur la sellette. « Sa seule préoccupation a été d’être un point d’équilibre du mouvement, et pas de la société », ce qui est à la source du « flou stratégique », analyse un ancien cadre.
Un candidat aux européennes attaque aussi les choix du patron des députés. « Mélenchon a fait beaucoup d’erreurs : sa réaction aux perquisitions d’octobre, vouloir mater Macron, Le Pen, le PS et EELV en même temps, choisir Manon Aubry tout en soutenant Eric Drouet… »
Il estime pourtant que « Mélenchon reste un très grand moteur, on aurait tort d’en changer. Ce qui est dangereux pour lui, c’est le silence dans lequel il s’est enfermé. Il laisse s’installer la morosité, la désolation ».
La députée Clémentine Autain a tenté de mettre fin à cette « désolation » en lançant un appel à un « big bang » pour construire un nouveau « cadre de rassemblement politique et citoyen », mardi avec 1.000 autres militants et personnalités de gauche radicale. Certes, aucun cadre insoumis ne l’appuie, ce qui révèle son isolement, surtout face aux 16 autres députés, dont certains, comme MM. Corbière, Coquerel, Quatennens et Mme Obono, la rabrouent dans les médias et en dehors.
Mais la députée veut croire qu’elle a le soutien de la base. « On n’est pas passés de 19 à 6% sans que la stratégie et le profil ne soient en question », a-t-elle déclaré à des journalistes mercredi. « Je ne crois pas que ma position, comme celle sur les migrants, ne représente qu’un sur 17 de nos militants et sympathisants ».
Ultime coup de pied dans la fourmilière, la plainte déposée par l’avocat de Thomas Guénolé, qui espère un « procès de l’appareil central ». L’ancien responsable de l’École de formation insoumise, qui a été exclu après avoir été mis en cause en interne pour harcèlement sexuel, a promis plusieurs autres procédures…