La lutte contre le tabagisme en France est compliquée par la prolifération du marché noir de cigarettes, qui s’apparente au trafic de stupéfiants. Malgré des opérations de saisie, la répression insuffisante et les marges élevées favorisent ce trafic illicite, mettant en danger la santé publique.
D’un côté, la commission sénatoriale préconise une augmentation annuelle d’au moins 3,25 % du prix des produits du tabac hors inflation jusqu’en 2040 pour lutter contre le tabagisme. De l’autre, le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, qui s’oppose à cette mesure, il est difficile de discerner une stratégie claire.
Pourtant, l’État a démontré sa capacité à mobiliser des moyens conséquents pour combattre la délinquance et la criminalité organisée. En témoigne l’opération « Place nette XXL » menée par le ministère de l’Intérieur contre le trafic de stupéfiants, qui affiche des résultats encourageants dans tous les départements pilotes.
Cette mobilisation d’envergure doit servir d’exemple pour lutter contre cette autre menace silencieuse : le trafic de cigarettes contrefaites.
Le gouvernement, conscient de l’ampleur du problème, a mis en place ces deux dernières années un dispositif en deux phases, baptisé Colbert I et Colbert II. Il s’agissait de coordonner, pendant une semaine, l’ensemble des services français afin de réaliser des opérations de contrôle et de saisie. Colbert I, en juin 2023, a déployé 5000 agents, dont 2800 douaniers, qui ont saisi 9 tonnes de cigarettes de contrebande ou de contrefaçon. L’expérience a été renouvelée en mars 2024 – Colbert II – avec 10 000 agents, dont 5000 douaniers : 27 tonnes de cigarettes ont été saisies, accompagnées de découvertes importantes de produits stupéfiants et d’armes.
Les moyens habituellement alloués aux douanes installées dans le plus grand centre de tri postal, à Chilly-Mazarin, ne lui permettent de vérifier qu’environ 1 % des colis introduits sur le territoire. C’est peu, même si, au niveau national, par vecteurs routiers, maritimes et aériens, ont malgré tout été saisies 650 tonnes de tabac illicite en 2022 et 521 tonnes, en 2023. Une tonne équivaut à 50 000 paquets de cigarettes, soit 1 350 000 paquets pour 27 tonnes. Un rapide calcul laisse imaginer l’immensité du phénomène qui, d’année en année, se développe, mute et s’enracine durablement dans l’économie parallèle.