Alors que la psychiatrie est abordée dans de nombreux médias ces derniers jours pour servir un discours répressif et autoritaire, retour sur la réalité d’un secteur soumis à un management néolibéral et qui n’a pas les moyens de prendre en charge correctement les patients en souffrance psychique mais aussi sociale.
Depuis l’attaque au couteau qui a fait un mort et deux blessés à la Tour Eiffel le 2 décembre, le gouvernement et les médias ont remis la psychiatrie sur le devant de la scène. Depuis Sarkozy, c’est toujours sous l’angle de la répression et pour des raisons sécuritaires que la psychiatrie émerge dans le discours médiatique. Pourtant, ces mêmes médias oublient toujours de dire que c’est justement ce gouvernement, à la suite de ceux qui se sont succédé depuis plusieurs décennies, qui a tout fait pour détruire le secteur de la santé psychique.
Mépris des difficultés, déni de la souffrance que cette société fait circuler au moyen d’injonctions à la performance et à la rentabilité, les personnels soignants de ce secteur de santé publique voient au quotidien la souffrance qu’entraîne la situation sociale et constatent leur incapacité à faire face à l’afflux des patients en souffrance. Or, cette incapacité est largement fabriquée par les conditions d’accueil et de soin, en régime d’appauvrissement renforcé et de manque de moyens matériels et humains. La destruction des services de soin psychiatrique se fait aussi au nom d’une idéologie neuroscientifique et de l’individualisme bon teint d’une classe pour qui « ceux qui ne sont rien » n’ont pas leur mot à dire. Un témoignage d’une psychologue clinicienne de psychiatrie adulte.
Révolution Permanente : Comment la souffrance sociale se reflète-t-elle dans les lieux de soin ?
Sarah* : Nous assistons à la dégradation de la qualité des soins psychiques, plus intense aujourd’hui. D’abord, par un afflux de patients avec des pathologies aggravées à la suite de la crise du Covid et par un manque croissant de personnel soignant.
Les confinements successifs mais aussi les difficultés économiques et sociales ont augmenté dans la population les symptômes dépressifs, anxieux, les addictions et les passages à l’acte suicidaire. Les plus touchés sont les jeunes et les personnes ayant une situation précaire ; ces dernières, qui mêlent souvent des problématiques médicales, psychologiques et sociales (SDF, personnes âgées, malades chroniques) ne sont plus considérées par la psychiatrie adulte.
Les structures ambulatoires ne peuvent plus combler les manques, les délais d’attente sont de plus en plus longs pour avoir une prise en charge, notamment en pédopsychiatrie. Les durées d’hospitalisation sont diminuées, il faut aller vite, très vite pour « accueillir » de nouveaux « clients ». La dimension sociale n’est plus prise en compte et les gens sont renvoyés sans tarder vers leur environnement délétère.
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